Test Chinatown Detective Agency : un jeu d'enquêtes bancal et cousu de fil blanc

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Test Chinatown Detective Agency : un jeu d'enquêtes bancal et cousu de fil blanc

Pierre Crochart

08 avril 2022 à 16h00

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© Humble Games Publishing
© Humble Games Publishing

Financé avec succès sur Kickstarter il y a de cela deux ans, Chinatown Detective Agency est un jeu d'enquêtes se proposant de combler le vide laissé par une certaine Carmen Sandiego depuis sa dernière apparition dans les années 2000.

Chinatown Detective Agency
  • Une esthétique séduisante
  • Des énigmes engageantes qui nous mobilisent « hors-jeu »
  • Entièrement doublé
  • Sound design réussi...
  • Bonne rejouabilité...
Chinatown Detective Agency plaira à celles et ceux dont l'absence de Carmen Sandiego pèse lourd dans leur petit cœur. Mais le jeu de General Interactive manque de finitions et souffre de nombreux problèmes qui nous empêchent d'adhérer totalement à sa proposition.

Ce jeu en 2D est sublimé par un pixel art plutôt soigné et un doublage intégral, et propose une vision (forcément) noire de Singapour à la fin des années 2030.

Meurtres de sang-froid, mégacorporations cyniques, intelligence artificielle à l'aube de la singularité et corruption d'État… Imaginez Bernard de la Villardière marcher droit vers la caméra, et allons-y pour le test.

Test réalisé sur PC à partir d'une version commerciale. Le jeu est disponible dans le Game Pass sur Xbox et PC ainsi que sur Nintendo Switch.

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Enquête de sens

Comme nombre de ses homologues, Amira Darma est une ancienne flic lessivée par son boulot qui a choisi d'emprunter une autre voie.

À la tête (seule) de son agence, elle peut compter sur son ancien collègue Justin pour lui ramener les quelques clients qui lui permettent de payer son loyer, sans pour autant mener la grande vie. Bref : une protagoniste somme toute assez classique de film noir, au détail près qu'Amira ne fume pas et que son corps n'est pas constitué à 98 % de whisky bon marché.

Des portraits divinement peints côtoient le pixel art dans la direction artistique du jeu © Humble Games Publishing
Des portraits divinement peints côtoient le pixel art dans la direction artistique du jeu © Humble Games Publishing

Le prologue, que certaines et certains ont peut-être pu essayer gratuitement sur Steam, nous propose de faire la rencontre de trois des personnages qui composent la trame principale de Chinatown Detective Agency.

La matrone cynique qui a plus d'un tour dans son sac, le ministre vertueux qui veut faire la lumière sur la corruption, l'usurier aux deux visages… Pas vraiment des enfants de chœur, mais la fin justifie les moyens.

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Des mécaniques mal huilées

Chinatown Detective Agency articule son récit autour d'un tronc commun duquel s'échappent plusieurs branches. On retrouve notamment des enquêtes annexes, dont certaines sont optionnelles, mais qui permettent de se faire un peu d'argent. Et comme nous allons le voir, celui-ci représente un aspect non négligeable du jeu.

Si le titre de General Interactive n'est certainement pas un jeu de gestion, vous allez avoir besoin de pognon pour voyager et résoudre vos enquêtes. En effet, l'interface (plutôt envahissante) vous offre la possibilité de vous rendre dans plusieurs pays du globe afin de mener à bien vos investigations.

Vous allez en faire, des kilomètres ! © Humble Games Publishing
Vous allez en faire, des kilomètres ! © Humble Games Publishing

Par exemple, vous pouvez aller voir un client souhaitant restituer un timbre de la Mandchourie au musée philatélique de Shanghai, ou bien aller examiner une maison d'enfance en Amérique du Nord pour faire parler un suspect récalcitrant. Les occasions de faire exploser le bilan carbone d'Amira ne manquent pas, si bien que vous finirez par avoir l'impression de passer plus de temps à attendre dans le hall de l'aéroport que d'avancer réellement sur les enquêtes.

C'est bien dommage, car celles-ci sont plutôt intéressantes. Assez variées, elles proposent surtout de résoudre des énigmes qui vous demanderont de jouer du ALT+TAB sur votre navigateur pour vous aider. Et c'est exactement ce que le jeu attend de vous ! Il vous le dit, d'ailleurs. L'interface compile tout ce que vous devez savoir pour progresser et vous encourage à demander de l'aide si vous êtes coincé sur un puzzle.

Certaines énigmes nécessiteront de vous munir d'un papier et d'un crayon © Humble Games Publishing
Certaines énigmes nécessiteront de vous munir d'un papier et d'un crayon © Humble Games Publishing
JVFR
Un petit coup de Google Lens, et on identifie facilement ce timbre ! © Humble Games Publishing

Retrouver l'origine d'une dague ancestrale à partir de sa description, reconnaître la ville où a été oblitéré un timbre, décoder du morse… Les défis, rarement frustrants, vous demanderont de vous creuser la cervelle pour avancer dans vos enquêtes.

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Lost in translation

Le problème, c'est que Chinatown Detective Agency repose sur un système de sauvegardes irritant. En effet, vous avez la possibilité d'échouer, par exemple si vous n'arrivez pas à décoder un message qui vous donne rendez-vous à tel endroit dans le temps imparti. Auquel cas, le jeu vous renvoie au tout début de l'enquête. Et vous n'aurez d'autre choix que de vous retaper tous les dialogues déjà entendus, tous les voyages que cela implique et tout le toutim.

Et ce serait moins grave si, parfois, notre échec n'était pas simplement dû à une erreur de traduction ! Explication : très vite dans le jeu, on nous demande de retrouver l'auteur d'une citation. L'inconvénient, c'est que la traduction n'est absolument pas signée de la même personne que l'originale. Il est donc impossible de progresser sans repasser le jeu en anglais, faire une recherche sur les termes originaux de la citation et taper le nom de son auteur dans le moteur de recherche du jeu.

Une erreur impardonnable, quand bien même il soit particulièrement impressionnant pour un si petit studio de proposer une traduction dans plusieurs langues, tout en ayant déjà déboursé de belles sommes pour doubler la quasi-totalité des personnages du jeu.

JVFR
Mal traduite, cette citation ne permet pas de trouver la réponse à l'énigme... © Humble Games Publishing

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Pris en otage

Sur le point du doublage, nous regrettons là aussi un cruel manque de finitions et de contrôle qualité. Souvent, l'ambiance sonore d'une scène nous suit alors que nous rentrons simplement au bureau. Pour résoudre le problème ? Il faut relancer le jeu.

Passons également sur les personnages qui, subitement, s'arrêtent de parler, ou sur des lignes de dialogues qui n'ont rien à voir avec la choucroute. Ça commence à peser lourd sur les épaules du jeu !

C'est d'autant plus dommage que Chinatown Detective Agency a ses moments de bravoure, quelques petites séquences qui fonctionnent bien, qui nous accrochent et nous engagent. Mais ce ne sont là que des moments suspendus, fugaces, rapidement chassés par la réalité du jeu de General Interactive.

JVFR
Certains tableaux sont très soignés © Humble Games Publishing

Jouissant d'une rejouabilité salutaire, Chinatown Detective Agency nous prend en otage. Une fois le prologue terminé (comptez déjà une bonne heure), on vous demandera de faire un choix qui déterminera le reste de l'aventure. Et la seule opportunité de voir ce qui se cache derrière les propositions que vous rejetez sera de refaire une partie, et donc de vous retaper le prologue (à moins de penser à faire une sauvegarde de vos fichiers locaux).

Dans tous les cas, et c'est peut-être le plus malheureux dans l'histoire, la longueur de Chinatown Detective Agency nous irrite et ne donne pas vraiment envie de savoir ce que nous avons manqué en choisissant de travailler pour tel personnage plutôt qu'un autre.

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Chinatown Detective Agency : l'avis de JVFR

Alors que nous étions plutôt emballés par son prologue et par ses derniers trailers, Chinatown Detective Agency nous laisse un goût amer. Si les différentes enquêtes proposées sont engageantes, et les énigmes souvent passionnantes à résoudre, le jeu de General Interactive souffre d'un gros manque de finitions qui le tire dangereusement vers le bas.

Certes, le jeu est entièrement traduit en français, mais la localisation est si mal fagotée qu'il vous faudra parfois passer le jeu en anglais pour saisir le sens d'une phrase qui vous sortira d'un mauvais pas.

Ajoutons à cela une technique très bancale (notamment sur le sound design) et une écriture qui nous sert du réchauffé, et nous obtenons un résultat assez décevant, même s'il pourra vous occuper un après-midi où vous ne saurez pas quoi faire pour vous occuper.

À choisir, préférez-lui le captivant Backbone qui, s'il est moins varié dans ses approches, est largement moins cabossé.

Chinatown Detective Agency

5

Chinatown Detective Agency plaira à celles et ceux dont l'absence de Carmen Sandiego pèse lourd dans leur petit cœur. Mais le jeu de General Interactive manque de finitions et souffre de nombreux problèmes qui nous empêchent d'adhérer totalement à sa proposition.

Les plus

  • Une esthétique séduisante
  • Des énigmes engageantes qui nous mobilisent « hors-jeu »
  • Entièrement doublé
  • Sound design réussi...
  • Bonne rejouabilité...

Les moins

  • Scénario un peu scolaire
  • Certaines mécaniques artificielles
  • Une traduction inexacte qui bloque certaines énigmes
  • ... quand il ne bugue pas
  • ... même si le jeu nous prend en otage
JVFR

Chinatown Detective Agency

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