Recompile est un metroidvania cybernétique dont le pouvoir d’attraction est immédiat : avec sa réalisation aguicheuse et ses thématiques actuelles, le jeu de Phigames et Dear Villagers nous happe dans son univers fascinant en un souffle, pour nous recracher quelques secondes plus tard avec une plateforme manquée ou un combat inutile qui tourne mal. L’aimer est un sacré défi, même si tout est mis en place en apparence pour convaincre les amateurs d’aventure meta. Vous avez dit gamepass ?
6
- Univers et scénario fascinants
- Des fulgurances de level design
- Bonne montée en puissance
- Réalisation réussie
- Entame fastidieuse
- Platforming imprécis
- Séquences d’action ennuyeuses
- Toute cette lumière pique les yeux
Test réalisé sur la version PC. Le jeu est disponible sur PC, Xbox Series S|X et PlayStation 5.
En proie aux guerres nucléaires et aux déchets toxiques, l’humanité charge quelques éminents scientifiques de trouver une solution de repli pour éviter l’extinction. Envoyés dans l’espace, ils sont accompagnés d’une intelligence artificielle - l’Hyperviseur - qu’ils doivent peu à peu éduquer pour les aider dans leur tâche. Mais quelque chose ne tourne pas rond, et il revient à un petit bout de code humanoïde de s’infiltrer dans l’ordinateur principal pour réactiver un certain nombre de processus et comprendre, chemin faisant, ce qui a bien pu clocher dans cette histoire.
C’est en arpentant ces différents secteurs cybernétiques que ce lumineux personnage mettra la main sur nombre de programmes conçus pour l’améliorer. Un premier saut puis un deuxième, un dash, différentes armes pour se défendre contre les sentinelles qui gardent les lieux, la possibilité de pirater les portes logiques qui régissent les ascenseurs et autres portails : Recompile respecte parfaitement les règles tacites du Metroidvania en offrant une belle montée en puissance qui vient, un peu tardivement néanmoins, compenser de grosses lacunes du jeu.
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La précision ? C'est à Recompile ou face
On peste en effet d’emblée sur ses sessions de plateformes irritantes, souvent par manque de repères visuels. Très lumineux et verticaux, les décors dépouillés jouent perpétuellement avec nos sens, mais aussi avec nos nerfs. Une simple ombre portée du personnage sur la plateforme visée aurait suffit à nous faire économiser de nombreux allers-retours aussi inutiles que fastidieux, la faute à des checkpoints jamais vraiment bien placés. Des plateformes pas tout à fait connectées entre lesquelles on tombe inutilement, des morceaux de décors qui dépassent de quelques millimètres mais ne peuvent être franchis sans sauter : rien n’est vraiment apaisant dans le maniement du personnage, ce qui nous empêche trop souvent de profiter du formidable travail d’agencement des level designers et grève Recompile d’une bonne partie de la gratification du franchissement propre aux excellents jeux du genre.
C’est guère mieux côté action. La visée épaule ralentit énormément le personnage, il est impossible de tirer en sautant et les ennemis ne sont de toute façon pas très intéressants à affronter. On cherchera rapidement à annihiler les points de réapparition de ces gardes fous agaçants en manipulant les portes logiques, que l’on retrouve un peu partout dans les niveaux. Si comme moi vous n’êtes pas familiers du raisonnement informatique de base, le hasard et un peu de persévérance feront parfaitement l’affaire, même si on ne doute pas que les aficionados du ET/OU/SI prendront un malin plaisir à résoudre les quelques énigmes de manière...logique. Un petit tutoriel n’aurait pas été de refus, le risque étant de passer à côté d’une partie du jeu faute de comprendre vraiment ce que l’on manipule et pourquoi.
Ce sentiment d’abandon ne nous quitte jamais vraiment, puisque le jeu nous laisse nous débrouiller tout seul du début à la fin. Pour le meilleur, notamment quand on commence enfin à cerner les enjeux et objectifs suivants, après quelques minutes à errer entre les biomes sans trop savoir quoi chercher, ou vers la fin quand les possibilités de déplacement se débrident totalement, et que l’on est enfin libre de profiter des superbes environnements qui se déploient devant nous depuis le début. Pour le pire aussi, quand on tourne pendant de longues minutes sans comprendre si le dispositif que l’on vient d’activer nécessite une nouvelle opération ou si l’on peut quitter les lieux, mais aussi lorsqu’un boss redoutable nous barre la route et que l’on ne sait pas vraiment si l’on est de taille à l’affronter ou non.
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La peur du grand vide
Recompile teste notre patience en permanence avec ses propositions de gameplay, et comble trop tardivement ses errances en surchargeant son personnage de pouvoirs surpuissants (jetpack, saut, dash et ralentissement du temps infinis). C’est finalement l’envie d’en savoir plus sur l’univers qui nous pousse à nous entêter : malgré la thématique maintes fois balisée, l’écriture impressionnante de justesse - qui jouit d’une traduction parfaite - constitue l’un des atouts les plus solides du jeu. Moins abscons et verbeux The Talos Principle, moins fortuné que Portal 2 mais plus moderne et ingénieux que Tron, Recompile touche juste dans le portrait qu’il dresse d’une IA en quête de connaissances chapeautée par une brochette d’humains désabusés et solitaires. Les différentes fins sont toutes plus fascinantes les unes que les autres, et motiveraient presque à refaire plusieurs fois le jeu si son exécution n’était pas si perfectible.
Si vous aimez vous faire du mal, vous serez récompensés par une réalisation impressionnante : sombres et gigantesques, les décors sont constellés de néons et autres sources lumineuses intenses qui créent un contraste saisissant et soulignent le côté vertigineux des environnements. Si après quelques heures ce visuel ambivalent finit irrémédiablement par piquer un peu les yeux, l’envie d’arpenter ces environnements magnifiques de sobriété s’impose malgré les difficultés que l’on peut rencontrer à s’y déplacer. Entre les mélodies simples au piano et les nappes de synthé lancinantes, la musique donne encore plus de corps à ce décorum vide et désincarné, et cette esthétique remarquable bénéficie d’une technique jamais prise en défaut.
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Recompile, l’avis de JVFR
Recompile est frustrant. Tous les efforts de Phigames en termes d’esthétique, d’écriture, de level design et d’ambiance se heurtent en permanence à ses nombreuses maladresses de gameplay. Tout à la fois séduits, agacés, envoûtés et rejetés, joueurs et joueuses seront trop souvent tentés d’interrompre leur immersion dans cet univers fascinant, et s’il ne manque pas grand chose à Recompile pour s’imposer dans un genre aussi concurrentiel, le metroidvania de Dear Villagers ne parvient pas à briser le plafond de verre qui le sépare des meilleurs représentants de l’action aventure en 3D.
6
Les plus
- Univers et scénario fascinants
- Des fulgurances de level design
- Bonne montée en puissance
- Réalisation réussie
- Plusieurs fins
- Traduction impeccable
Les moins
- Entame fastidieuse
- Platforming imprécis
- Séquences d’action ennuyeuses
- Toute cette lumière pique les yeux
- Finalement assez court