Absolver, le précédent jeu de Sloclap, était aussi exigeant qu'il était séduisant dans son concept et son identité. Sifu, le petit dernier du studio parisien, reprend cette description en poussant encore un peu plus les potards afin de séduire sans s'en cacher les hardcore gamers amateurs de bagarre stylée et intraitable. Reste à voir si sa principale spécificité, à savoir son système de prise d'âge à chaque échec, est aussi réussi qu'original.
En visant ainsi clairement les joueurs les plus patients, performants et en quête de challenge, Sifu pourrait bien laisser sur le bord de la route tous les autres… À commencer par votre serviteur qui, ne se classant dans aucune de ces catégories, aurait en temps normal rapidement abandonné un titre qui pourtant multiplie les arguments et ne demande qu'à être savouré.
- Des combats percutants et exigeants
- Un système de progression qui a du sens avec le sujet
- Une direction artistique et une mise en scène qui claquent
- Un beau défi pour les plus motivés
- Quelques passages méritent un peu d'équilibrage
- Une progression souvent frustrante
- Un level design trop linéaire et une caméra perfectible
- Un mécanisme qui risque de dégoûter les joueurs casual
Sifu a été testé sur PC via un code Epic Games Store fourni par l'éditeur. Le jeu sort le 8 février sur PC (Epic Games Store), PS4 et PS5.
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Un Sifu, fut , fut, les petites balayettes
Dès son introduction et surtout son générique d'ouverture interactif diablement sexy, Sifu n'y va pas par quatre chemins pour exposer son scénario expéditif. Le joueur incarne au choix un homme ou une femme, qui va dédier sa vie à une seule chose : venger la mort de sa famille. Pour cela, il faudra traverser cinq niveaux remplis d'ennemis et se terminant par un boss. Rien de bien original jusqu'ici, vous en conviendrez. Sauf que.
Sauf que Sifu n'est pas n'importe quel jeu d'action. Certes, on y retrouve des incontournables tels que des attaques lourdes ou légères, de l'esquive et de la parade (avec barre d'endurance et système gauche/droite/haut/bas pas évident à maîtriser), des combos ou encore une barre d'énergie pour réaliser des coups spéciaux, et tout le nécessaire pour pratiquer le kung-fu comme il faut. Mais le titre, qui possède une composante rogue-like non négligeable, recèle un truc bien à lui qui se révèle être à la fois son point fort et son point faible : son système de mort.
Votre personnage démarre la partie à 20 ans. Lorsque votre vie tombe à zéro (ce qui arrive après avoir reçu une poignée de coups seulement, et il y a peu de moyens pour en récupérer), bien des choses se passent. Tout d'abord, c'est l'un des seuls moyens d'avoir accès à un arbre de compétences où dépenser l'expérience acquise lors de sa run actuelle. Ici, vous pourrez non seulement débloquer des capacités pour cette dernière, mais aussi investir de l'expérience (en assez grande quantité) pour à terme pouvoir commencer vos runs suivantes avec des capacités déjà débloquées et vous faciliter un peu la tâche.
De plus, après avoir fermé ce menu de compétences, vous revenez instantanément à l'endroit où vous avez échoué pour tenter d'aller plus loin, mais avec un an de plus au compteur. Si par malheur vous veniez à mourir de nouveau sans achever un ennemi puissant avant cela pour faire baisser votre compteur de morts, rebelote - mais vous prendrez alors 2 ans d'un coup dans la vie vue. Et ainsi de suite. Ainsi, mourir à la chaîne peut être rapidement punitif et l'on voit littéralement sa vie défiler devant ses yeux à toute vitesse… et le personnage vieillir visuellement.
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The Raid is dead
À chaque décennie perdue, les points de vie maximum du personnage baissent et ses dégâts augmentent. Passés 70 ans, c'est tout simplement le game over à la prochaine mort. Vous perdez vos bonus et compétences (sauf celles débloquées de manière permanente avec de l'expérience), et vous êtes bon pour recommencer au choix du premier niveau à 20 ans, ou bien au niveau de votre choix, mais avec l'âge minimum que vous aviez au moment d'y arriver.
Ainsi, réussir par exemple à terminer le premier niveau en ayant 60 ans et un compteur de morts à 6 à la fin vous permettra de tenter le 2e, mais ne vous laissera que 3 essais avant d'arriver au game over. L'idéal étant alors de débloquer des raccourcis dans les niveaux (au level design couloir qui laisse assez peu de chemins différents malheureusement) pour atteindre plus vite les boss, et de refaire les niveaux en boucle à la recherche de la perfection pour prendre le moins d'âge possible. Les amateurs d'apprentissage à la dure, exigeants avec eux-mêmes, seront ravis, mais les autres y verront probablement surtout du grind, de la répétitivité et un système de progression qui n'aide pas vraiment.
Et c'est bien dommage, car le système de combat de Sifu est excellent et demande une véritable attention face aux adversaires et à l'environnement. Ne pas se faire encercler, trouver des armes autour de soi, identifier les ennemis à prioriser ou encore tirer profit des objets et murs pour se protéger ou gêner les ennemis… Un cocktail qui demande de la patience, de l'observation et un certain timing, mais qu'il est grisant de maîtriser. Rien ne sert de matraquer ses attaques comme dans Tekken (je sais de quoi je parle), il faut ici la jouer fine et énormément jouer sur les esquives et la parade pour s'en sortir.
Surtout que les animations variées et les sensations manette en main sont extrêmement satisfaisantes. Difficile de ne pas pousser un « Ouch ! » devant cette tête écrasée sur une table avec un tuyau, juste après avoir esquivé un tibia qui voulait faire connaissance avec votre nez. D'autant que la mise en scène inspirée (qui devrait souvent parler aux fans de kung-fu) ne vient jamais gâcher l'expérience. La caméra fait cependant régulièrement des siennes : un système de verrouillage des ennemis aurait été apprécié, et parfois il est difficile de lire les pattern ou la portée exacte des ennemis. Mais dans l'ensemble, Sifu s'en sort bien sur sa partie combat. Il faut dire qu'il a fait très bonne école avec son Sifu Absolver, dont l'interface épurée et fonctionnelle semble également en être un bon héritage.
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« VOUS DEVIENE SIFU »
Sifu pourra cependant un peu trop souvent donner envie de jeter sa manette suite à des touches ennemies incompréhensibles ou certains ennemis trop pénibles et longs à battre. Mais s'il y a bien quelques moments où le jeu semble être en cause (je vous ai dit que le jeu était volontairement difficile, aussi ?), souvent la faute en reviendra également au joueur, trop pressé, mal placé ou pas assez concentré. Notez cependant que l'essentiel de ce test a été réalisé avant l'arrivée d'un patch day one sensé notamment rendre quelques combats moins difficiles et corriger quelques bugs rencontrés ça et là, et que les développeurs semblent spécialement à l'écoute des retours des joueurs.
Techniquement, le titre de Sloclap est sérieux et jouit de solides performances sur PC (et supporte le DLSS de Nvidia). Certes, il se montre assez simple du côté de son moteur, mais il compense par une direction artistique séduisante qui dénote de l'amour du studio pour les arts martiaux, la Chine et toutes les œuvres qui tournent autour. Pour l'immersion totale, on regrette que l'audio en chinois ne soit pas encore disponible : il n'arrivera que plus tard, dans une mise à jour. Il faudra pour le moment se contenter de l'anglais.
Toujours côté son, le sound design de la tatane est lui aussi solide, de même que la bande-son d'Howie Lee qui recèle quelques jolis moments, mais ne vient pas lasser le joueur même après plusieurs heures dans les mêmes niveaux. Ces derniers d'ailleurs proposent chacun une ambiance réussie et une mise en scène parfois mystique, surprenante et mémorable. Notamment dans l'incroyable niveau du musée, que j'ai volontairement préféré de pas trop vous montrer pour ne pas gâcher la surprise.
Demeurent les questions épineuses du prix pratiqué et de la durée de vie. À 40€, Sifu devrait contenter et occuper les joueurs les plus motivés pendant quelques dizaines d'heures, voire un peu plus pour ceux à la recherche de la perfection, ou peut-être un peu moins pour les meilleurs joueurs. En tout cas, l'investissement peut se justifier pour ceux assez persévérants pour aller au bout de cette histoire de vengeance, malgré les défauts évoqués et l'aspect die and retry parfois frustrant. Pour les autres en revanche, le titre risque de rapidement prendre la poussière dans leur ludothèque à cause de sa difficulté élevée qui ne fait pas de cadeau, ou de sa répétitivité quasi impossible à esquiver.
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Sifu : l'avis de JVFR
Difficile d'évaluer un jeu quand on se rend compte après une quinzaine d'heures qu'il n'est absolument pas fait pour vous malgré toute votre envie de l'aimer. Certes, votre serviteur a eu le sentiment de progresser et de mieux maîtriser ses systèmes au fil des échecs, mais il est clair que je n'en verrai probablement jamais le générique de fin sans aide ou mises à jour tant mon niveau est aujourd'hui aussi insuffisant que ma jauge de patience est pleine. Et c'est dommage, tant j'ai aimé visiter le moindre recoin de ce titre à l'ambiance épatante et à la philosophie intransigeante.
Cependant, si vous êtes en confiance et recherchez du challenge, que vous n'avez pas peur de refaire plusieurs fois des niveaux en boucle pour optimiser vos runs et que vous ne vivez que pour faire des pieds-bouches : vous pouvez y aller sans problème, le titre de Sloclap est fait pour vous et s'approche autant que possible du parfait simulateur de kung-fu.
Si vous ne vous êtes pas du tout reconnu dans ces lignes en revanche (ou que comme moi vous avez abandonné rapidement Furi, assez ressemblant dans l'esprit), à moins d'être un véritable amoureux d'arts martiaux prêt à se faire maltraiter et à probablement ne pas en voir le bout, vous feriez peut-être mieux d'investir votre temps, vos nerfs et votre argent ailleurs. Dans la série Warrior, par exemple.
Sans vouloir relancer l'éternel débat sur la difficulté dans le jeu vidéo, Sifu pourrait peut-être gagner à proposer des aides ou différents modes pour aider les joueurs les moins performants à traverser ses jolis niveaux un peu moins dans la douleur et la frustration. S'adresser aux hardcore gamers c'est bien, mais faire profiter tout le monde de sa solide proposition, c'est mieux.
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Les plus
- Des combats percutants et exigeants
- Un système de progression qui a du sens avec le sujet
- Une direction artistique et une mise en scène qui claquent
- Un beau défi pour les plus motivés
Les moins
- Quelques passages méritent un peu d'équilibrage
- Une progression souvent frustrante
- Un level design trop linéaire et une caméra perfectible
- Un mécanisme qui risque de dégoûter les joueurs casual