Trajectoire étonnante que celle de Turtle Rock Studios. Le Tony Montana du développement de jeux vidéo est monté très haut, lorsqu’il jouait les porte-flingues avisés pour Valve jusqu’à la consécration Left 4 Dead. Mais le studio britannique est aussi tombé très bas, la tête dans la poudreuse au moment de la chute de THQ avant de se prendre un chargeur complet dans le buffet à la sortie catastrophique d’Evolve, dont le modèle économique abscons et agressif imaginé par 2K Games aurait même donné des sueurs froides aux exécutifs d’Electronic Arts. On craignait le talent de Turtle Rock à jamais perdu, et le studio cantonné à un rôle de prestataire de luxe sur des chantiers fortunés mal embarqués : laissé pour mort, il signe contre toute attente un retour tonitruant avec Back 4 Blood, son nouveau shooter coopératif en territoire zombie. They’re coming to get you Barbara !
- Campagne variée et difficile
- Les decks et personnages ajoutent de la profondeur
- Une tension de tous les instants
- Teamplay et synergies indispensables dès le mode Vétéran
- La campagne “s’inspire” souvent de L4D
- Localisation des dégâts peu avancée
- Collisions hasardeuses
- Compétitif en retrait
Test réalisé à partir de la version PC du jeu, à l'aide d'un code fourni par l'éditeur. Back 4 Blood sort officiellement le 12 octobre sur PC, PS4, PS5, Xbox One et Xbox Series X|S. Il sera disponible d'emblée sur le Game Pass.
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Le Left 4 Dead de Wish ?
Back 4 Blood reprend donc trait pour trait le concept de Left 4 Dead : quatre joueurs doivent se rendre d’un point A à un point B. Armés jusqu’aux dents, ils sont contraints de coordonner leurs efforts pour survivre aux hordes de morts-vivants qui les assaillent, mais aussi réaliser différents objectifs de missions tout en évitant les nombreux pièges qui se dressent en travers de leur route. Le principe est identique, mais Turtle Rock épice un peu la formule avec un certain nombre de petites idées qui font leurs preuves au fil des heures de jeu.
Au double système classe/personnage d’Evolve, Turtle Rock préfère cette fois laisser le joueur façonner lui-même son style de jeu. Les huit personnages que l’on peut incarner ont bien des caractéristiques différentes - soin, puissance, endurance… - qui les portent naturellement vers une certaine manière d’aborder le combat, mais c’est surtout la possibilité d’améliorer son survivant avec des cartes qui ajoute de la profondeur à Back 4 Blood. On choisit une nouvelle carte à activer à chaque mission réussie, et la petite victime frêle du départ se transformera rapidement en monstre de puissance, d’endurance ou de résistance au fil de l’Acte en cours (notre personnage est remis à zéro d’un acte à un autre).
Le système implique d’abord de gagner des cartes, que l’on débloque en dépensant des points de ressources glanés en terminant les niveaux ou en jouant en compétitif. Il est ensuite nécessaire de se créer un deck et de définir l’ordre précis d’arrivée des cartes, puisque celles-ci seront accessibles l’une après l’autre au fil de nos parties. C’est après quelques heures que l’on cerne bien le potentiel du système : les cartes sont nombreuses et variées, l’ordre de sélection est crucial et les plus gros bonus impliquent nécessairement une contrepartie douloureuse dans une autre catégorie (+10% de vitesse, -5% de résistance par exemple). Mais, et c’est le plus important, les decks s’avèrent particulièrement intéressants pour le teamplay.
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La Horde Sauvage
Votre survie dépend en premier lieu de votre capacité à enchaîner les headshots, contrôler la masse de Z qui débarquent régulièrement et éviter les pièges qui jonchent votre parcours : les alarmes des portes et des voitures ou encore les nuées de corbeaux déclenchent par exemple la horde, qui promet de longues secondes de tension et d’action. Mais plus que le skill ou la prudence, le travail d’équipe est indispensable dans Back 4 Blood. Rester grouper - mais pas trop près - communiquer et partager les quelques ressources disséminées ça et là s’avère également crucial, tout comme le fait de disposer d’une équipe équilibrée en termes de skills et de decks.
Avoir quatre mercenaires taillés pour le corps à corps peut fonctionner en Novice, et encore. Le premier run sert finalement d’avertissement pour ce qui vient ensuite, puisqu’on peut le terminer sans trop trembler du menton à deux, accompagnés de deux bots (ou joueurs console, merci le crossplay) : le niveau Vétéran ne pardonne déjà plus rien, et sanctionnera immédiatement le moindre écart de conduite de l’un des membres de l’équipe. Des infectés spéciaux viennent en effet régulièrement mettre leur grain de sel. Ces Hockers, Bruisers et autres Retchs sont des variations des Jockeys, Boomers et Spitters de Left 4 Dead, et disposent peu ou prou de caractéristiques similaires : attaque de loin, vomi de bile toxique, immobilisation, ruée violente,etc.
On voit venir ces « mutations » de loin en mode facile, mais on a parfois l’impression qu’elles sont contrôlées par des humains en Vétéran, tant leur coordination et leur propension à cueillir systématiquement la brebis égarée au pire des moments impressionnent. Leur résistance est également largement accrue, si bien qu’il devient rapidement indispensable de réfléchir ses decks de manière cohérente et collective : le fait de renoncer à un peu de résistance pour gagner en stamina peut par exemple être contrebalancé par un buff d’équipe d’un coéquipier, et s’offrir un emplacement de grenade supplémentaire en sacrifiant sa barre de vie peut sauver la mise en fin de mission. Il paraît au final plus intéressant de créer des decks jusqu'au-boutistes plutôt que de chercher à jouer sur la polyvalence de ses héros, même si le jeu ajoute des modificateurs plus ou moins aléatoires à chaque niveau pour rebattre les cartes et tester vos choix de construction d’équipe.
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Un jeu plus exigeant qu'il n'y paraît
Des zombies explosifs qui font perdre de la vie quand ils sont tués au corps à corps, un temps donné pour finir la mission, des pièges en plus grand nombre : ces corruptions sont un bon moyen pour Turtle Rock d’assurer un minimum de rejouabilité à ses missions, tout en vous permettant de gagner un peu de monnaie supplémentaire. On dépensera ces précieux deniers en début de mission pour améliorer ses pétoires, compléter son arsenal ou s’acheter un peu de munitions et de soin. Le système montre une nouvelle fois toute son efficacité en Vétéran, quand le groupe exsangue et désargenté se retrouve face à des choix décisifs quant à l’équipement et les améliorations qu’il peut s’offrir pour la prochaine sortie.
Un seul continue est accordé, la barre de vie disponible baisse à chaque mise au sol et les doses de soin cachées dans les niveaux se font de plus en plus rares : Back 4 Blood a le game over facile. Particulièrement accessible avec son gameplay arcade, que l’on maîtrise en un clin d'œil si l’on a déjà joué à un FPS dans sa vie, B4B ne resserre pourtant jamais son étau une fois que le verrou du point de départ a sauté. Des boss très mobiles et résistants, des événements spéciaux bien énervés, des goulots d’étranglement meurtriers : la campagne multiplie les séquences fortes et si certaines semblent largement inspirées des deux premiers Left 4 Dead (la traversée des champs, le camp de survivant devenu charnier, l’excellente séquence de jukebox qui rappelle le concert de L4D2…), elles n’en demeurent pas moins d’une efficacité et d’une intensité remarquable.
On ressort souvent lessivé de ces apex ludiques exigeants, satisfait d’avoir joué un mauvais tour à la grande faucheuse. L’un des gros intérêts de Back 4 Blood vient de sa difficulté, et de la manière dont il nous oblige à nous transcender collectivement pour la dépasser. Cela n’a pas grand-chose à voir avec l’arsenal à disposition ; les traditionnels pompe/smg/fusil d’assaut/sniper, à coupler avec un flingue ou une arme de mêlée, sont presque tous utiles si on les couple avec les cartes adéquates et qu’on les améliore au fil de la session. C’est l’équilibre subtil trouvé par Turtle Rock qui fait tout le sel de son FPS, qui fait qu’on lui pardonne ses quelques imprécisions mécaniques (les collisions sont parfois étranges) ou ces séquences et environnements moins inspirés.
Le mur entre les deux premiers niveaux de difficulté laissera sans doute des joueurs sur la touche : les solistes seront pulvérisés par les limitations des bots, pas complètement idiots, mais largement moins efficaces que les joueurs humains, ou broyés par le matchmaking qui n’a pas pour vocation à trier les joueurs pour leur capacité à communiquer poliment. Les groupes de deux ou trois joueurs limiteront déjà bien mieux la casse, mais c’est vraiment à quatre en vocal que l’expérience prend tout son sens, et que le jeu révèle sa substantifique moelle.
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Accessible à tous, ou presque
C’est sans doute dans l’optique de s’ouvrir au plus grand nombre que Turtle Rock a privilégié l’optimisation à la qualité graphique. Il y a bien quelques rayons lumineux et effets pyrotechniques qui font leur petit effet, mais les textures et les animations n’offrent rien de bien fantastique si on les regarde de plus près. Back 4 Blood mise plus sur ses conditions de jeu - obscurité, brouillard - et sur l’accumulation - de cadavres, de sang, d’ennemis, d’éléments de décors - pour créer ses effets. Les espaces les plus vastes sont plutôt dépouillés, les lieux clos plus chargés et détaillés, mais dans tous les cas, la fluidité n’est jamais prise en défaut.
Notre Ryzen 5600X, couplé à une 2080 Super et 32 Go de RAM, assure les 144 images par seconde sans jamais trembler alors que les paramètres graphiques sont poussés au maximum, en activant ou non le DLSS. On imagine largement le jeu tourner correctement sur des configurations plus modestes, et les réglages proposés sur PC sont suffisants pour permettre à chacun de trouver le bon équilibre. Nous n’avons par ailleurs rencontré aucun problème de stabilité, ni côté client ni côté serveur, ce qui est à signaler pour un jeu qui requiert une connexion internet permanente pour jouer, même en solo.
La bonne tenue technique de l’ensemble ne tient pas non plus du miracle. La localisation des dégâts est malheureusement assez sommaire, les environnements ne sont pas bien vastes et les murs invisibles sont légion : Back 4 Blood n’est pas un jeu d’exploration, même si l’inspection minutieuse des recoins de la carte pourra occasionnellement révéler une caisse de ressources providentielles. La ville, le marais, l’école, le camp de survivants : Turtle Rock joue avec les codes du genre sans pour autant les renouveler outre mesure, ce qui se ressent un peu en terme d’ambiance visuelle et sonore.
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La mort vous va si bien
Back 4 Blood recycle Left 4 Dead à différents égards, mais il se recycle également lui-même en nous faisant revenir dans des lieux précédents nettoyés pour les besoins d’un « scénario » complètement anecdotique dont on a grand-peine à suivre la ligne directrice. Son ambiance punk, ses personnages revêches aux one liners ironiques, ses bruitages - corrigés depuis la beta, Dieu merci - ou encore ses environnements : le jeu de Warner n’est pas d’une originalité folle, et s’adresse avant tout aux joueurs exigeants à la recherche d’un défi plus costaud à relever entre amis.
Outre la campagne, dont les 34 niveaux vous prendront entre 5 et 6 heures en mode Novice, le jeu dispose également d’un mode compétitif asymétrique. Contrairement à Left 4 Dead qui opposait survivants et infectés spéciaux sur les mêmes niveaux que le mode campagne, Back 4 Blood fait le choix d’offrir des arènes limitées qu’un gaz toxique façon battle royale vient rétrécir au fil du temps. Le système de cartes de la campagne est toujours de la partie, tandis que les infectés gagnent des points à dépenser pour améliorer les différents types de zombies ou même la horde. C’est plutôt bien équilibré, assez tendu dans un camp comme dans l’autre, mais le tout manque tout de même un peu d’ampleur, notamment côté zombie. Le studio n’a pas réussi à reproduire la satisfaction des attaques combinées réussies de Left 4 Dead 2, ce qui a bien du mal à faire passer la pillule de l'absence de versus en mode campagne.
On finit par faire toujours un peu les mêmes combinaisons aux mêmes endroits, les randoms quittent à la moindre défaite et les groupes déjà composés roulent nécessairement sur l’adversité sans coup férir. Les conditions à réunir pour passer un bon moment - matchmaking généreux, équipes équilibrées - sont un peu trop compliquées pour qu’on y passe plus de quelques heures, en attendant que nos coéquipiers se connectent pour tenter un run de campagne en Cauchemar. Au moins pourra-t-on y gratter quelques points de ravitaillement pour débloquer de nouvelles cartes, mais aussi des cosmétiques inutiles pour nos armes, personnages et emblèmes. Dépendante de notre capacité à tolérer l’adversité et passer un certain temps à configurer un deck cohérent et complémentaire de nos alliés, la durée de vie de Back 4 Blood pourra tout de même se chiffrer en dizaines d’heures tant le défi qui s’annonce est de taille. On est loin des milliers d'heures passées par certain sur les jeux de Valve, certes, mais on image bien Turtle Rock venir alimenter son titre en Actes supplémentaires dans les prochains mois.
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Back 4 Blood, l'avis de JVFR
Héritier assumé de Left 4 Dead, qu’il cite allègrement jusqu’à la limite, Back 4 Blood parvient à moderniser suffisamment la formule pour qu’on retourne casser du zombie avec plaisir, même une fois la campagne bouclée. Les sensations de combat sont bonnes, le système de cartes est bien pensé, le teamplay très engageant et à condition de partager ce bain de sang en bonne compagnie, on ne voit pas bien ce qui pourrait retenir les amateurs d’action de consacrer de longues heures à optimiser leurs decks pour maximiser les synergies de leur équipe. Si vous jouez seul ou que vous cherchez un bon jeu compétitif, passez votre chemin : Back 4 Blood vaut avant tout pour le plaisir - immense - de massacrer des milliers de morts-vivants entre potes. Le défouloir dont on avait besoin pour aborder plus sereinement cette fin d'année.
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Les plus
- Campagne variée et difficile
- Les decks et personnages ajoutent de la profondeur
- Une tension de tous les instants
- Teamplay et synergies indispensables dès le mode Vétéran
- Stable, configurable et plutôt bien optimisé sur PC
Les moins
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