Test Life is Strange : True Colors offre à la licence sa plus belle palette d'émotions

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Test Life is Strange : True Colors offre à la licence sa plus belle palette d'émotions

Pierre Crochart

08 septembre 2021 à 16h00

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© Square Enix
© Square Enix

Le monde avait-il besoin d’un nouveau Life is Strange ? Demandez à l’insensible, à l’aigri juste bon à taper du poing sur son bureau quand il tombe sur plus fort que lui sur Warzone, et vous n’irez pas réclamer votre reste. Interrogez l’esthète ; le joueur ou la joueuse abonné au cinéma d’art et d’essai du coin, celui qui porte des citations de Jack Kerouac en bandoulière, et la réponse risque déjà d’être plus chaleureuse. Ou posez-moi simplement la question. Je vous répondrai d’une prose que m’envient les poètes : « bah ouais, grave. »

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Life Is Strange: True Colors
  • Des personnages enfin expressifs
  • Des acteurs et actrices habités par leur rôle
  • Très bel équilibre entre le drama et la légèreté du ton
  • L’audace du 3e chapitre
  • Une intrigue qui perd de son intérêt au fil du temps
  • On aurait aimé explorer davantage Haven Springs
  • … qui se paie cher sur la facture (60€)

Life is Strange: True Colors a été testé sur PC et Switch grâce à un code fourni par l'éditeur. Il sera disponible le 10 septembre sur PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X|S, et le 7 décembre sur Nintendo Switch pour 59,99€.

Traitez-moi d’adulescent accro aux teen movies si vous voulez. Je continuerai de défendre Life is Strange le couteau entre les dents. Que voulez-vous s’il me suffit d’un traveling bourré de lens flares sur un pissenlit, de trois arpèges moisis à la guitare sèche et de personnages tout droit sortis d’un téléfilm M6 pour m’embuer les yeux. Tout ça pour dire que je n’étais pas loin du malaise vagal quand Square Enix a officialisé la sortie d’un nouvel opus à ma licence-doudou.

Mais Dontnod étant — lui — passé à autre chose, c’est à Deck Nine qu’incombe de poursuivre l’héritage Life is Strange. Déjà aux manettes du spin-off Before The Storm sorti en 2017, le studio implanté à Westminster, dans le Colorado, a semble-t-il bénéficié d’une assise financière beaucoup plus confortable pour concevoir Life is Strange: True Colors. Pour le dire autrement : c’est dans ses habits de lumière que se présente à nous ce nouvel épisode.

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Dans l’ombre du grand Chen

Alex est euphorique. Et nerveuse, aussi. Voilà 8 ans qu’elle et son frère Gabe ont été séparés. Désormais plus habituée à la froideur des familles d’accueil et des orphelinats qu’aux étreintes fraternelles, elle ne sait pas bien comment envisager ses retrouvailles avec celui qui semble s’être bâti une petite vie bien tranquille à Haven Springs, dans le Colorado. Le premier choix que nous propose Life is Strange: True Colors est révélateur du malaise. Faut-il tomber dans les bras du frangin, ou lui serrer solennellement la main ?

Heureusement, Gabe est d’un naturel expansif. En fait, c’est même difficile de ne pas l’apprécier. Vous savez, ce type à la fois loquace, beau gosse, serviable et habile de ses mains que tout le monde aime ? Autant dire qu’Alex n’aurait pas pu mieux tomber pour la mettre à l’aise et prendre ses marques dans cette petite ville typiquement américaine « où tout le monde se connaît ». Et inutile de préciser qu’après l’adolescence qu’elle vient de passer, la jeune femme aurait bien besoin de se sentir enfin chez elle.

Il est le grand frère ; le pilier de la communauté de Haven Springs. Le barman toujours à l’écoute et le petit-ami attentionné. Gabe est une lumière mais, à peine 24 heures après qu’Alex l’a rejoint, il perd la vie dans un tragique accident.

Reprendre le flambeau, être à la hauteur. Faire honneur aux souvenirs. La suite de l’histoire d’Alex aurait pu se limiter à ça. Mais elle a un secret. Un don, en fait, comme c’est le cas de tous les protagonistes de Life is Strange. Elle est hyperempathique, et peut lire dans les émotions d’autrui comme dans un livre ouvert. Alors quand elle remarque qu’un ancien rival de Gabe est pris d’une trouille bleue pendant sa veillée funéraire, Alex commence à douter que la mort de son frère fût accidentelle.

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Le sang de l’Haven

« Je peux voir ton halo » chantait Queen B il y a déjà 13 ans (ouch). Eh bien pour Alex, c’est pareil. Dès que quelqu’un se laisse submerger par ses émotions, la jeune femme peut les interpréter grâce à une aura colorée qui les entoure (rouge pour la colère, violette pour la peur, bleue pour la tristesse, dorée pour la joie). Un signal visuel pour le joueur ou la joueuse, qui peut dès lors utiliser le pouvoir d’Alex afin d’entendre les pensées de son interlocuteur.

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Des interactions qui, parfois, peuvent ouvrir de nouvelles options de dialogues, ou simplement donner un peu plus de profondeur aux figurants de Haven Springs. On a toutefois du mal à définir les réelles limites du « don » d’Alex, qui peut également analyser certains objets pour en découvrir le passé. Mais après tout, la jeune femme non plus n’y comprend pas grand-chose. Elle sait juste que, grâce à ça, elle peut influencer les autres et, peut-être, découvrir la vérité sur la mort de Gabe.

Le scénario va donc s’articuler autour de l’accident, et de l’enquête qu’Alex va mener en compagnie de Ryan (le meilleur ami de Gabe) et Steph (aperçue dans Before The Storm) pour faire la lumière sur les événements. Et comme l’indique clairement son étiquette de « jeu narratif », tout cela va essentiellement se faire via des dialogues à choix multiples.

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Dans sa quête de vérité, Alex peut compter sur Steph et Ryan pour l'épauler.

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La couleur des gens qui mentent

Côté structure, Life is Strange: True Colors s’éloigne généreusement du road trip concocté par Dontnod dans Life is Strange 2. Haven Springs sera votre unique point d’ancrage, mais vous aurez toujours une occasion par chapitre de vous y promener « librement ». J’utilise les guillemets car vous vous apercevrez bien vite que très peu de lieux sont en réalité explorables. Et de toute façon, les PNJ ont des routines très limitées qui les font davantage passer pour des pantins du Truman Show qu’à des voisins de chair et de sang. Qu’importe ; nous ne sommes pas dans un jeu en monde ouvert.

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Comme nous le rappelle le jeu au coup d’envoi, Life is Strange: True Colors s’adapte aux choix de la personne qui se tient devant l’écran. Une invitation à l’expérimentation, et surtout la promesse de fins multiples (le jeu en compte 6) qui encourage les acharnés à relancer une partie pour aborder les choses sous un angle différent. D’ailleurs, True Colors permet de revenir à loisir dans n’importe quelle scène de n’importe quel chapitre (et de créer une nouvelle sauvegarde à l’occasion) pour explorer rapidement différentes possibilités.

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Certains choix sont plus importants que d'autres dans les embranchements scénaristiques.

Oui car j’ai jusqu’ici passé sous silence quelque chose d’important à propos de True Colors. Contrairement à tous les précédents opus de la série, il s’agit d’un jeu entier. Comprendre qu’il n’est plus découpé en épisodes… enfin, vraiment ? J’avoue que je m’attendais à quelque chose de plus linéaire après les déclarations de Square Enix. Remplacez le terme « épisode » par « chapitre », et voilà le travail. Au final, Life is Strange : True Colors propose un tronçonnage identique à n’importe quel autre opus de la saga. La seule différence est que tous les épisodes chapitres sont débloqués au lancement du jeu. Et que cette pirouette permet à Square Enix de le facturer 59,99€ contre 40€ pour le dernier en date.

Que vaut la version Nintendo Switch ?

Life is Strange: True Colors a subi un sacré ravalement de façade pour pouvoir tourner sur la console hybride Nintendo. Deck Nine Games a optimisé chaque aspect de son jeu pour parvenir à cet exploit… Et par "optimiser", il faut bien évidemment comprendre que la qualité visuelle a été fortement revue à la baisse. Mais disons-le tout de suite, les aventures d'Alex Chen sont parfaitement jouables sur Switch. Pas de gros ralentissements ou crashs impromptus à signaler durant notre temps de jeu. Quelques baisses de framerate restent hélas observables par moment.

Cependant, presque tous les décors sont victimes d'un aliasing extrêmement prononcé. Le nombre de polygones a été revu à la baisse sur de nombreux éléments, si bien que des petits objets et la végétation ressemblent parfois à une vraie bouillie de pixels. De leur côté, les personnages principaux s'en sortent beaucoup mieux avec leur modélisation relativement convaincante. Impossible d'en dire autant pour les PnJ en arrière-plan dont les animations sont aussi hachées que minimalistes. Les environnements extérieurs sont les moins bien lotis et peuvent vite faire mal aux yeux. Se balader dans les rues d'Haven Springs n'est pas nécessairement une partie de plaisir. Artistiquement, le jeu est relativement coloré avec quelques beaux éclairages.

En terme de fonctionnalités, soulignons l'utilisation des vibrations HD quand Alex entre en contact avec une personne. Les commandes tactiles sont mises à contribution en de très rares occasions. Comptez également 20 Go pour accueillir Life is Strange: True Colors sur votre Switch.

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Il n'est clairement pas conseillé de s'attarder sur les détails tant les textures paraissent basiques sur Switch
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Les intérieurs assez plaisants sur Switch et les personnages ont été relativement épargnés

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Coloradollywood

Mais laissez-moi me faire l’avocat du diable et défendre la position de l’éditeur. C’est un fait, Life is Strange: True Colors est l’épisode le plus friqué de la licence. Totalement doublé en anglais (exceptionnel), français (très bon) et allemand, le jeu bénéficie surtout de l’apport de la motion capture pour ses protagonistes. Et croyez-moi quand je dis que ça change la donne, côté émotions.

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Alex est un personnage bouleversant.

Franchement, je n’ai pas le souvenir d’avoir été bousculé de la sorte par des personnages virtuels depuis The Last of Us Part II. Le mouvement des yeux, le tressaillement d’une lèvre, le froncement des sourcils. Tout est bouleversant de sincérité. Finie, l’époque où les figurants étaient aussi impassibles qu’un agent de police à qui vous promettez n’avoir bu qu’un verre (et en plus c’était un demi). Là on parle. Là on nous offre de l’acting, du vrai. Des interprétations authentiques de personnages qui crient, souffrent, rient, chialent à vouloir en crever. Et de la même façon qu’on sait tous et toutes faire la différence entre un acteur qui cachetonne et un artiste habité par son personnage, on est ici transportés à Haven Springs dans le sillage des émotions de ses habitants.

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Les personnages sont tous convaincants.

Peut-être pas aussi poignante que ne l’était la cavale des frères Diaz dans l’Amérique de Trump, l’histoire de True Colors nous emporte par la maturité de son écriture. Sous son fin vernis de fanfic pour ado, le titre de Deck Nine touche régulièrement des cordes sensibles. Grâce à la ferveur de ses acteurs, encore une fois, mais aussi en ayant la décence de ne pas trop en faire. Il y a des moments bien ringards − c’est le jeu −, ou trop référencés (Alex qui joue un tube pop à la guitare après avoir perdu un proche, bon…), mais surtout des échanges d’un grand naturel et d’une belle nuance sur des sujets comme la paternité, le sens des responsabilités ou le lâcher-prise.

Toujours cinématographique, Life is Strange: True Colors se donne du mal pour singer l’esthétique des films indépendants à petit budget présentés au Tribeca ou au Sundance Festival. Le cadrage est impeccable, la lumière souligne parfaitement les états d’âme des protagonistes et les complaintes folk en fond sonore nous donnent l’envie de troquer le costume-cravate pour une bonne vieille chemise de bûcheron, supplément barbe de 3 ans et bottines couleur crème.

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On citera à ce propos une bande originale composée par Angus & Julia Stone, et une tonne de musique licenciée qui compte son lot de petits groupes qui montent comme Radiohead, Metronomy, Kings of Leon ou Phoebe Bridgers. Bref une flambée des prix, certes, mais une montée en gamme assez spectaculaire quand on le compare à Life is Strange: Before The Storm.

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Life is Strange: True Colors, l’avis de JVFR

On ne prend pas les mêmes, et on recommence ? Soyons honnêtes : on savait d’avance que Life is Strange: True Colors ne révolutionnerait pas la formule. Mais, de la même manière qu’il existe trouze millions de rogue-like-deck-building, ou de jeux qui s’imaginent qu’ils vont réinventer la roue avec un concept de boucle temporelle, il y a de la place pour des titres purement narratifs.

Et si c’est votre truc, soyez assurés que Life is Strange: True Colors remplit son contrat à la lettre. Sans rien changer, ou si peu, à la recette imaginée par Dontnod il y a maintenant six ans, le studio Deck Nine offre à la licence son opus le plus équilibré.

Idéalement rythmé, brillamment animé et incarné par des acteurs et des actrices bouleversants, ce nouveau spin-off synthétise à lui tout seul ce qu’est Life is Strange. Des histoires très personnelles, qui résonnent (ou pas) au contact du vécu de la personne qui tient la manette, et qui encouragent à s’interroger sur des choses qu’on prend trop souvent l’habitude de refouler.

Ça vous coûtera un peu plus cher qu’une séance de psy, mais contrairement à la vie, vous aurez ici la possibilité d’y modifier vos choix pour découvrir de nouveaux dénouements. Ce qui fait autant de nouvelles choses à raconter à votre thérapeute. Merci Deck Nine !

Life Is Strange: True Colors

8

Life is Strange: True Colors est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver à la licence. Plus beau, plus sensible, plus authentique et réfléchi que les opus précédents, ce nouveau spin-off ne renie rien de l’héritage laissé par Dontnod. Au contraire, il le sublime.

Les plus

  • Des personnages enfin expressifs
  • Des acteurs et actrices habités par leur rôle
  • Très bel équilibre entre le drama et la légèreté du ton
  • L’audace du 3e chapitre
  • Des choix musicaux toujours excellents
  • Une VF de qualité
  • Une « montée en gamme » impressionnante pour la licence…

Les moins

  • Une intrigue qui perd de son intérêt au fil du temps
  • On aurait aimé explorer davantage Haven Springs
  • … qui se paie cher sur la facture (60€)
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Life Is Strange: True Colors

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