Depuis quelques années, le père des jeux de rôle sur table Donjons & Dragons a de nouveau la Coast (vous l'avez ?), notamment grâce à des initiatives comme Critical Role. Un phénomène qui se vérifie également par un retour en force de la licence dans l'univers des jeux vidéo, avec plus ou moins de réussite (tousse Dark Alliance tousse). En 2018, le modeste studio russe et chypriote Owlcat Games nous gâtait avec Kingmaker, un C-RPG basé sur Pathfinder, une version modifiée de la 3ème édition des règles de Donjons & Dragons. Trois ans et une campagne de financement participatif réussie plus tard, le studio nous revient avec Wrath of the Righteous. Un titre ambitieux qui nous dépeint une croisade désespérée contre les Démons des Abysses et une ascension vers la divinité. Un jet d'initiative réussi ? Asseyez-vous à notre table de rôlistes et laissez-nous vous conter cette aventure Mythique plus en détails !
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- L'univers et les règles Pathfinder religieusement respectés
- Une campagne Mythique à l'intérêt et à la difficulté constamment renouvelés
- Le soin apporté à l'histoire et à des choix moraux cornéliens
- Une bande-son de haute fantaisie
- Difficile d'accès pour les non-initiés aux règles de Pathfinder
- Peu d'évolutions sur le plan graphique
- Une interface lourde et manquant d'ergonomie
- De nombreux bugs démoniaques demeurent
Test réalisé sur la version PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu sera disponible en téléchargement sur PC (Steam, GOG et Epic Games Store) le 2 septembre 2021, puis le 1er mars 2022 sur PS4 et Xbox One, ainsi que sur PS5 et Xbox Series X|S via rétrocompatibilité.
Wrath of the Righteous tire en réalité son univers et son histoire de la campagne papier-cayon éponyme. Le théâtre de nos aventures mythiques se trouve à la Plaie du Monde, en Golarion. Cette terre est ravagée par une croisade incessante entre les Démons des Abysses et les forces du Bien suite à l'ouverture d'une faille entre les deux plans. C'est alors que notre personnage, au départ un simple aventurier promis à un destin hors du commun, entre en jeu, et avec lui le sort du monde et, poussons le mythique jusqu'au bout, du multivers de Pathfinder tout entier. Allez-vous en être le sauveur ou le destructeur ? Ce choix cornélien, parmi tant d'autres dans une campagne exclusivement solo qui promet facilement la centaine d'heures de jeu, vous appartient.
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Donjons & Dragons trouve le chemin de la Croisade
Comme toute partie de Donjons & Dragons réelle ou virtuelle qui se respecte, notre aventure commence par la création de notre personnage. Et d'emblée, nous pouvons constater du profond respect d'Owlcat Games pour les règles de Pathfinder. À tel point que les non-initiés risquent d'entrée de jeu d'être déboussolés, voire découragés. Il faut en effet composer avec plus d'une dizaine de races et de classes différentes, chacune avec leurs spécificités. Les choix des caractéristiques, des compétences, des dons et même de la divinité sont cruciaux afin de construire un personnage efficace. Le jeu ne pardonnera en effet pas facilement un personnage mal optimisé, même dans la difficulté dite « normale ».
Une fois cette étape extrêmement importante terminée, notre personnage tout frais se réveille durant un festival qui bat son plein à Kénabres, une cité située à la Plaie du Monde. Blessé à la suite d'explorations de ruines voisines, nous sommes accueillis et soignés par les gardiens de la ville avant de rejoindre les festivités. Mais la fête tourne vite court alors qu'un ost de démons parvient mystérieusement à percer les défenses magiques de la ville et à semer le chaos. Le chef de cette armée parvient même à tuer d'un seul coup un dragon chargé de protéger Kénabres. Bien démuni, notre personnage parvient à s'en sortir en tombant dans une faille taillée par la redoutable faux du Seigneur Démon victorieux.
Nous retrouvons dans les grottes quelques survivants qui deviendront nos compagnons d'infortune et rencontrons des bâtards, des mutants descendants des premiers croisés. Ceux-ci recherchent une épée angélique enfouie dans des ruines proches, détentrice de pouvoirs qui pourraient sauver leur peuple, et par extension la ville au-dessus de leurs têtes. Restée inerte, cette épée attendait manifestement qu'une âme digne de sa bénédiction la trouve. Comme toute aventure high fantasy qui se respecte, le hasard fait que c'est notre personnage qu'elle choisit. Investi de pouvoirs divins, cette découverte allait mettre en branle un destin digne des légendes pour notre modeste aventurier, et avec lui celui de la Plaie du Monde toute entière.
Avec ce prologue, Wrath of the Righteous pose déjà les bases solides d'une campagne qui se voudra haletante. Développé avec le même moteur que Kingmaker sur Unity, le nouveau titre d'Owlcat Games accuse toutefois le coup d'une technique vieillissante. Plus fin et doté d'effets de lumière plus détaillés que son aîné, il fait toutefois pâle figure en comparaison d'un certain Baldur's Gate 3, et souffre même de nombreux bugs de textures. Qu'à cela ne tienne, il compense cette faiblesse par une bande-son d'excellente facture à tous les instants de l'aventure.
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Guerres et dés
Après un prologue nous faisant goûter à notre premier donjon, retour à la surface dans une taverne appelée le Cœur du Défenseur. Il s'agira d'un des nombreux quartiers généraux du jeu. Nous pourrons y souffler, gérer notre inventaire, fabriquer armes, équipements ou autres consommables, et discuter avec une myriade de compagnons et de personnages secondaires afin de récupérer moult quêtes avant de retourner au front. Là encore, Owlcat Games nous gâte de personnages très bien écrits et de compagnons aux personnalités et aspirations radicalement différentes. Il faudra ainsi composer à terme avec plus d'une dizaine de potentiels membres de votre groupe et les gérer avec soin en vue des épreuves qui vous attendent à la sortie de votre havre de paix provisoire.
Le jeu nous introduit alors à une mécanique bien connue de Kingmaker et d'autres C-RPG comme Wasteland 3 : la carte du monde. Nous pourrons ainsi nous déplacer vers différents points d'intérêts en vue de libérer les lieux de leur présence démoniaque, aider nos compagnons ou récupérer butin et précieuses ressources. Chaque déplacement nécessitera du temps, qui dans certaines circonstances viendra à nous manquer, et il n'est pas rare de tomber sur des rencontres aléatoires, amicales comme hostiles. Toujours est-il que Wrath of the Righteous sait titiller notre curiosité et nous encourage à explorer la carte de fond en comble afin de mettre toutes les chances de notre côté pour le bien de la Croisade.
Chaque lieu nommé offre ainsi des situations uniques, et c'est toujours avec une certaine excitation que nous découvrons de nouveaux éléments d'histoire et objets magiques pour équiper notre groupe. Sur place, nos six héros devront donc braver de nombreux défis afin d'explorer chaque zone. En récompense de ses efforts, le groupe gagnera en expérience et montera en niveaux. Si la création d'un seul personnage pouvait être un casse-tête en soi pour les profanes, gérer cet élément central du gameplay pour une dizaine de personnages le sera encore plus. Il est bien sûr possible d'opter pour une montée en niveaux automatique, mais nous le déconseillons fortement, surtout dans les plus hauts niveaux de difficulté.
Puisque l'on parle de défis, il est de bon ton de s'arrêter sur ce qui va nous occuper une grande partie du jeu : les combats. Contrairement à Kingmaker à sa sortie, Wrath of the Righteous offre deux approches de gameplay. Tout d'abord en temps réel avec pause tactique, à l'instar des premiers Baldur's Gate, ou au tour par tour comme Divinity: Original Sin. Plus adepte de cette dernière méthode, nous avons opté pour le tour par tour. Et là encore, les non-initiés aux règles de Pathfinder risquent d'avoir quelques difficultés. Le jeu nous noie littéralement d'informations et de termes comme Classe d'armure, Initiative, jet de sauvegarde et autres. Autant d'éléments qu'il faudra maîtriser afin de triompher. Donjons & Dragons oblige, la plupart des actions sont gouvernées par le hasard des dés, ce qui pourra autant amuser que frustrer, en fonction de la sensibilité de chacun à l'aléatoire.
Cependant, une fois le coup de main pris, les combats, qui manquent toutefois cruellement de verticalité, s'avèrent particulièrement plaisants, et leur difficulté va toujours aller crescendo. Dommage que certains bugs viennent entacher l'expérience, comme une caméra capricieuse ou un pathfinding de nos personnages aux fraises (plutôt ironique pour un jeu Pathfinder) dans des embrasures de porte. Il nous est même arrivé de devoir recharger des parties antérieures ou même relancer le jeu afin de débloquer nos personnages ou enlever des malus qui persistaient même dans une sauvegarde passée. Autre élément qui s'avère assez dommageable : une interface lourde et manquant d'ergonomie. À force d'accumuler des compétences et des objets, la navigation dans les menus ou sur l'interface de combat peut à terme s'avérer assez fastidieuse.
Durant leurs déplacements et aventures, nos héros pourront être affectés par des malus infligés par nos ennemis ou simplement par la fatigue, qui vont sévèrement les affaiblir. De même, les lanceurs de sorts auront besoin de repos pour récupérer les emplacements utilisés. Il convient alors d'urgence de se reposer quelques heures, de préférence à notre quartier général, ou à défaut sur place. Dans tous les cas, un groupe bien composé sera également crucial. Il faudra effectuer des tours de garde, dissimuler le camp, préparer un repas et faire un rite de protection. La proximité avec la Plaie du Monde introduit en effet une mécanique de Corruption des Abysses qui, si elle n'est pas purifiée, risque de pénaliser sévèrement notre groupe.
Au travers de chaque acte, notre aventure nous mènera irrémédiablement vers une série d'événements qui en seront le pinacle et feront avancer l'histoire de la plus épique des manières. L'occasion à chaque fois de mener un siège désespéré contre une forteresse investie par les démons, avec son lot d'épreuves et de boss finaux aussi retors qu'épiques à affronter, et de monter en grade au sein de la Croisade.
Là encore, certains soucis viennent quelque peu en atténuer le souffle épique. En plus de nos héros et de leurs adversaires, de nombreuses troupes gérées par l'intelligence artificielle viendront nous prêter main forte. Mais cela va finalement se montrer plus handicapant qu'autre chose, en provoquant un chaos indicible venant gêner nos déplacements et l'utilisation de nos compétences.
Les événements de fin d'acte représentent sans conteste la partie la plus importante et difficile du jeu. Comptez en effet plusieurs heures pour en voir le bout, dans des combats incessants qui mettront votre sens tactique et vos nerfs à rude épreuve. Au terme de chaque acte, vous serez également amenés à faire des choix cornéliens, qui façonneront à tout jamais votre personnage, votre groupe et votre histoire.
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Choix Mythiques
Reprenant une mécanique bien huilée de Kingmaker, Wrath of the Righteous nous offre des dialogues à l'écriture impeccable, quoique parfois tirant un peu trop sur la longueur. Ici également, des jets liés à certaines caractéristiques permettront d'obtenir des choix de dialogues spécifiques, qui prendront en compte les traits des membres de notre groupe. Si notre personnage n'est par exemple pas très éloquent, il faudra trouver un compagnon qui compense cette faiblesse. Très souvent, les dialogues et d'autres éléments narrés viennent nous poser des dilemmes moraux déchirants. Faut-il sacrifier quelques âmes pour le salut de milliers ? Jusqu'à quelle extrémité aller pour obtenir la victoire ? Notre âme est-elle un piètre prix à payer pour parvenir à nos fins ? Tant de questions dont la réponse appartient seule et entière au joueur, souvent à un prix terrible qu'il faudra assumer.
Wrath of the Righteous se permet ainsi une ascension ambitieuse par rapport à son aîné en introduisant la Voie Mythique. Pour rappel, il s'agit de règles spécifiques à Pathfinder dans lesquelles les personnages ne côtoient ni plus ni moins que des êtres divins et mythologiques. Nimbé du pouvoir de l'épée angélique récupérée au début de l'histoire, notre personnage sera confronté à plusieurs reprises à des choix liés à sa Voie Mythique. À l'issue du premier acte, nous débloquons ainsi une nouvelle « classe » indépendante de notre classe de base, qui nous apporte des pouvoirs et compétences quasi divins. Irradiés de notre nouveau pouvoir, nos compagnons pourront également acquérir de nouveaux dons mythiques. Certaines Voies Mythiques sont débloquées de base, mais d'autres requerront d'accomplir certaines quêtes ou d'élucider des secrets afin de les découvrir. Sans trop en divulgâcher, nous aurons vers la fin du jeu la possibilité de devenir des êtres tout bonnement légendaires de l'univers Donjons & Dragons, avec tout ce que cela implique.
Le choix d'une Voie Mythique viendra ainsi sérieusement influencer le cours de nos aventures. Nous avons de notre côté, à l'issue du second acte, opté pour celle du Démon, qui collait bien à notre classe de départ. Cela a fatalement provoqué de vives réactions au sein de notre groupe (notamment nos compagnons d'alignement Bon). Il va de soi que des croisés contre une invasion démoniaque voient d'un très mauvais œil le fait que leur plus grand espoir arbore l'apparence de leur ennemi juré. Et il ne s'agit que de la face visible d'un immense iceberg, après une cinquantaine d'heures de jeu, mine de rien. Bien d'autres choix et intrigues épiques vous attendent au fil d'une histoire qui ne cesse de se renouveler et mettre votre sens moral à rude épreuve. Après tout, en tant que commandant de la Cinquième Croisade, les vies de votre groupe, de milliers d'âmes, voire du multivers entier, se trouvent dans la balance.
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Total War: Pathfinder
Au-delà de nos aventures avec notre groupe de fidèles compagnons, Owlcat Games nous a habitués, avec Kingmaker, à nous placer à la tête d'armées à diriger et de provinces à défendre. Un élément que les adeptes de jeux comme Total War devraient particulièrement apprécier. Il nous faudra à terme envoyer des armées terrasser des osts de démons afin que notre groupe puisse avancer dans sa quête plus personnelle. Cela implique donc de gérer des troupes, recruter des unités, et les déplacer sur la carte de campagne via un sous-menu dédié. Pour cela, il nous faudra amasser des ressources, conquérir des villes et maintenir le moral des troupes afin qu'elles se battent dans les meilleures conditions.
Une mécanique qui peut rebuter au premier abord dans un C-RPG, qui demandera un certain temps d'adaptation et beaucoup de patience. Nos armées peuvent en effet mettre plusieurs jours à se mouvoir sur la carte, et le recrutement de troupes fraîches demande une semaine pour renouveler les effectifs. Celles-ci apparaîtront par ailleurs loin du front et devront donc prendre elles-mêmes le temps de rejoindre l'effort de guerre. Au fil de l'avancée de nos armées, nous pourrons établir de nouveaux campements, permettant à notre groupe d'explorer les environs sans risquer de camper trop souvent à la belle étoile corruptrice en cas de nécessité.
Nos troupes peuvent prendre des formes diverses, et de nouvelles unités pourront rejoindre nos rangs en fonction de certains choix clés durant l'aventure. Pour les rendre plus efficaces, il conviendra de leur affecter un officier supérieur. Comme les membres de notre groupe, ceux-ci disposent d'une fiche de personnage dédiée, quoique bien moins complexe. Nous pourrons ainsi composer plusieurs armées aux forces et faiblesses bien définies, et leur officier gagnera en niveaux au fil de ses victoires. Chaque bataille sera également l'occasion de récupérer différentes ressources pour la campagne, ainsi que de l'équipement magique pour notre groupe de héros.
Les batailles en elles-mêmes s'inspirent de titres comme Heroes of Might & Magic. Chaque unité dispose de caractéristiques et, le cas échéant, de compétences propres. Elles sont représentées dans les combats par un personnage qu'il faudra déplacer sur un plateau afin de terrasser les forces adverses. Si leur officier supérieur n'est pas physiquement présent en combat, il pourra renforcer les troupes ou aider à éliminer l'armée adverse grâce aux compétences apprises au fil de sa montée en niveaux. La mécanique des batailles se montre somme toute assez simpliste, mais elle sait toutefois bien remplir son office. Elle offre de surcroît une variété de gameplay par rapport à nos aventures classiques avec notre groupe de six héros tout-puissants.
Toutefois, nos troupes ne sont pas les seules à se déplacer dans cette croisade. Il arrivera que des armées de démons attaquent nos avant-postes et même les différentes villes à notre charge. Il nous appartiendra donc de riposter et parfois faire de terribles sacrifices, au risque de mettre en péril notre économie et le moral de nos troupes, et avec elles le sort de la Plaie du Monde.
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Pathfinder: Wrath of the Righteous - l'avis de JVFR
Vous l'aurez compris, Wrath of the Righteous reprend énormément d'éléments introduits par Kingmaker avant lui. Il serait cependant criminel de le réduire à une simple extension, tant le titre est généreux en contenu. Avec son histoire mythique de longue haleine, l'application la plus fidèle possible des règles de Pathfinder au format vidéoludique et ses mécaniques bien huilées, le nouveau titre d'Owlcat Games se présente comme un excellent C-RPG.
Un jeu qui ne plaira cependant pas à tout le monde, notamment aux non initiés à l'univers et aux règles de Donjons & Dragons, ou encore aux allergiques de jeux demandant un énorme investissement autant en termes de sens tactique que de temps. Sur le plan technique, Wrath of the Righteous fait également quelques faux pas. Graphiquement légèrement daté, encore affecté par de nombreux bugs parfois très gênants et une interface assez lourde, il manque un peu de finition.
Nonobstant ces soucis, qui devraient à terme être pour la plupart réglés, les fans de Kingmaker ou de Donjons & Dragons trouveront dans Wrath of the Righteous une aventure de haute volée, et les mini-maxers auront une fois encore des heures de plaisir devant eux. Une aventure véritablement épique et généreuse de la part d'Owlcat Games, qui réalise une fois encore une belle réussite critique.
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Les plus
- L'univers et les règles Pathfinder religieusement respectés
- Une campagne Mythique à l'intérêt et à la difficulté constamment renouvelés
- Le soin apporté à l'histoire et à des choix moraux cornéliens
- Une bande-son de haute fantaisie
- Une durée de vie Abyssale
Les moins
- Difficile d'accès pour les non-initiés aux règles de Pathfinder
- Peu d'évolutions sur le plan graphique
- Une interface lourde et manquant d'ergonomie
- De nombreux bugs démoniaques demeurent
- Exclusivement solo