Test Death's Door : les créateurs de Titan Souls reviennent conquérants, mais assagis

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Test Death's Door : les créateurs de Titan Souls reviennent conquérants, mais assagis

Pierre Crochart

21 juillet 2021 à 17h17

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© Devolver Digital
© Devolver Digital

On aime quand les choses se passent aussi bien. Quand un jeu qui nous a fait de l’œil quelques mois plus tôt se présente, à l’heure, sur le pas de la porte et se révèle être aussi charmant qu’on se l’était imaginé. Death’s Door avait planté en moi la graine de la curiosité lors d’une édition du ID@Xbox, en début d’année. Imaginé à Manchester par Acid Nerve, il n’en était que plus intrigant. Mais le duo responsable du captivant Titan Souls allait-il éviter le « syndrome du deuxième album » ?

J’aimerais faire durer le suspens un peu plus longtemps, mais le titre de la critique vend un peu la mèche. Oui, Death’s Door est pour Mark Foster et David Fenn le jeu de la confirmation. Six ans après leur première réalisation − conçue dans le cadre d’une game jam −, les deux compères se réinscrivent comme des acteurs importants du jeu indépendant.

7

Death's Door
  • Un Zelda-like bien ficelé
  • Plus accessible qu’il n’y paraît…
  • Artistiquement réussi (ces musiques…)
  • La palette de personnages
  • Un gameplay pas franchement original
  • … au risque de manquer de défi
  • Quelques soucis de lisibilité
  • Une narration un peu simpliste

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Faucheur, faucheur, si t’es champion…

Comme un lundi, on embarque dans le bus nous acheminant au bureau pour une dure semaine de labeur. Mais le corbeau que l’on incarne n’a pas tout à fait un job ordinaire. Lui, son truc, c’est d’aller combattre des âmes errantes pour les faire passer dans l’au-delà (on espère qu’il a une bonne mutuelle). L’ambiance est rapidement posée, et le contraste entre l’apparente normalité des infrastructures et l’incongruité des tâches à accomplir nous arrache rapidement un sourire.

Employé par la Commission des Faucheurs, nous sommes chargés par le Maître des Portes en personne d’aller collecter une âme particulièrement retorse. Mais un autre corbeau nous coupe l’herbe sous le pied juste avant d’accomplir notre mission. Problème : impossible pour un Faucheur de regagner le monde « réel » tant qu’il n’a pas livré l’âme qui lui était assignée. Pas le choix, il va falloir faire des heures sup'. En l’occurrence, battre la campagne dans un monde où l’être humain n’est plus, mais dans lequel toute âme qui « vit » veut vous faire la peau.

Le jeu s’organise donc de façon très organique. À la manière d’un Dark Souls (le nom est lâché), on peut accéder depuis le premier niveau du jeu à la totalité de la carte de Death’s Door. Plusieurs biomes représentent les « chapitres » à clore afin de progresser, et on déverrouille évidemment certaines capacités qui encouragent à revenir sur nos pas afin d’explorer davantage (oui, c’est un grappin).

Ici, les « feux de camp » sont des portes par lesquelles on peut retourner à la Commission des Faucheurs pour se déplacer rapidement entre les différents checkpoints et dépenser ses âmes pour améliorer ses compétences. Rassurez-vous, nous ne sommes pas dans un jeu From Software ou dans Hollow Knight. Si vous mourez, vous réapparaissez simplement à la dernière porte activée (il y en a beaucoup) et vous conservez votre monnaie.

Repasser par une porte ou planter une graine dans un pot de fleur permet de récupérer sa santé.
Repasser par une porte ou planter une graine dans un pot de fleur permet de récupérer sa santé.

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Un vrai Zelda-like

Alors, facile, Death’s Door ? Nuançons notre réponse. Le nouveau jeu d’Acid Nerve est incommensurablement moins punitif que ne l’était Titan Souls. Mais cela tient pour beaucoup à son concept : dans ce dernier, on combattait des boss armé d’une unique flèche qu’il fallait ramasser après chaque tir. Et le moindre coup subi signait le game over.

Ici, on retrouve une structure bien plus proche de ce que propose un Zelda. On dispose de 4 points de vie et de 4 points de magie, et l’on peut augmenter ces jauges en récoltant des réceptacles de cœur des éclats de vitalité ou des éclats magiques. Les autels prévus à cet effet sont d’ailleurs assez bien planqués, et vous demanderont d’être très observateurs pour tous les dénicher et donc améliorer vos chances de survie.

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Il faudra résoudre quelques énigmes pas bien méchantes pour progresser.
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Certains autels d'amélioration sont très bien cachés.

Mais, dans tous les cas, les occasions de se soigner ne manquent pas. On récupère toute sa vie dès qu'on repasse par l'une des portes (les ennemis réapparaissent alors), ou si l'on plante une graine (un collectible) dans un pot prévu à cet effet. Les fleurs fanent après utilisation, mais repoussent chaque fois que vous revenez dans le même niveau.

La boucle de gameplay n’offre au global rien de foncièrement inédit. Il faut explorer chaque zone jusqu’à trouver l’entrée du donjon, puis résoudre une série de puzzles pour débloquer une nouvelle compétence et, enfin, aller défaire un boss.

JVFR
Les boss représentent logiquement des temps forts du jeu.

Le loot ? Au risque de décevoir les amateurs de Diablo, il est quasi inexistant dans Death’s Door. Au total, on peut mettre la main sur 5 armes différentes, lesquelles proposent une palette de coups et des caractéristiques propres (allonge, dégâts, attaque chargée, …). Différents items de collection sont aussi répartis sur toute la carte, et permettent de mieux cerner l’univers du jeu grâce à des descriptions énigmatiques. On se demande bien où Acid Nerve est allé chercher tout ça.

JVFR
L'univers de Death's Door se raconte notamment via la description d'objets.
JVFR
Certaines armes valent vraiment de se donner la peine de les obtenir.

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Un académisme qui lui va bien au teint

On se moque gentiment, mais Death’s Door, à défaut d’être d’une originalité folle, est excellent dans sa capacité à digérer ses influences pour n’en conserver que le meilleur. Tout s’emboîte à merveille ; le challenge est parfois un peu plus relevé, mais jamais insurmontable, et on apprécie d’améliorer son personnage pour constater l’efficacité nouvelle d’une arme ou d’un sort sur un ennemi que l’on avait auparavant du mal à tomber.

Le jeu souffre toutefois de quelques soucis de lisibilité qui nous freinent parfois dans la compréhension d’une énigme. Par exemple, je n’ai saisi qu’à la toute fin du jeu que ces plaques au sol n’étaient en fait pas des téléporteurs que je n’aurais pas encore compris comment utiliser, mais des bouches d’égout qui s’ouvrent en faisant une attaque plongée depuis les hauteurs.

JVFR
Death's Door est un jeu parfois difficile à « lire ».

De la même façon, j’aurais apprécié avoir à ma disposition une carte. Pour peu que vous soyez une bille en orientation, vous vous retrouverez parfois frustrés de ne pas savoir où aller. D’autant que le champ de vision offert par cette vue isométrique autorise rarement de prendre du recul sur les environnements du jeu.

Par chance, les combats ne souffrent pas de ces petits impairs. Simplement chorégraphiés, ils mettent néanmoins en valeur des danseurs variés, qui entérinent la capacité d’Acid Nerve à designer des personnages dont on se souvient durablement. Si le duel qui nous oppose à un véritable château ambulant nous restera en mémoire, c’est moins pour sa difficulté (assez enfantine) que pour la beauté de sa réalisation.

JVFR
Certains affrontements sont mémorables.

Mais il manque à mon goût à Death's Door un brin de folie dans ses mécaniques de jeu. En soi, on peut parfaitement se passer d'utiliser tel ou tel gadget pour se défaire de ses adversaires. Le pattern des boss n'est pas bien sorcier non plus. En résultent des combats de boss qui, s'ils sont forcément impressionnants, peinent à nous provoquer la moindre tension. En cas d'échec, on réapparaît à quelques pas pour retourner, au plus vite, à la filoche.

Là où l’on n’attendait pas nécessairement Death’s Door, en revanche, c’est du côté de l’humour qu’il déploie tout au long de l’aventure. Même s’il dépeint un univers sombre et que ses thématiques (la mort, la vacuité de la vie) n’invitent pas forcément à la bamboche, l’écriture offre ça et là des moments de franche drôlerie. On pense à certains personnages (Omar Mitte, dont la tête a été remplacée par … une soupière), ou encore à quelques lignes de dialogue qui font mouche pile quand il faut.

Avec une palette de personnages aussi variée, on trouve d’autant plus dommage que notre avatar ne soit qu’une coquille vide juste bonne à taillader des âmes. On comprend le désir d’Acid Nerve de ne point trop en faire, et de laisser au joueur le luxe de s’immerger dans son univers qui, par ailleurs, est une vraie réussite artistique, mais on reste sur notre faim du côté de la narration. D’autant que, pour découvrir vraiment de quoi il retourne, il vous faudra œuvrer pour débloquer la « vraie fin ». Une ascèse un brin rébarbative, voire carrément cryptique, à laquelle bien peu de joueurs désireront se plier.

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L'écriture est souvent légère, voire carrément décalée.

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Death's Door : l’avis de JVFR

Nécessairement moins conceptuel que ne l’était Titan Souls, le deuxième jeu d’Acid Nerve enfonce le clou de son talent. Jamais injuste, Death’s Door captive par son prodigieux équilibre. Situé quelque part entre des références comme Zelda, Dark Souls ou Diablo, il livre une expérience riche et − surtout − très bien cadrée.

Death’s Door sait exactement ce qu’il cherche à vous raconter ; ce qu’il veut vous faire vivre. Il ne tire pas en longueur et reste accessible. Bien plus que ne l’était le premier jeu du studio qui, à bien des égards, est renvoyé à l’état de brouillon par celui-ci. Il faudra toutefois accepter de jouer à quelque chose de beaucoup plus classique, dont l'audace se situe davantage du côté artistique que du gameplay.

N’en déplaise à celles et ceux qui voyaient dans Death’s Door un ersatz de Hades, il n’en est rien. On peut difficilement faire moins rogue-like d’ailleurs. Mais il a pour lui la promesse d’une dizaine d’heures de jeu mémorables, et d’un univers qui, même une fois l’écran éteint, et malgré une narration erratique, continue de vivre en vous. Et ils ne sont pas si nombreux, ces jeux-là.

Death's Door

7

Plus académique que ne l’était Titan Souls, le nouveau jeu d’Acid Nerve se pose comme un Zelda-like pur jus. Plus accessible qu’il n’y paraît, il offre une aventure mémorable dans un univers original − bien qu’il ait parfois du mal à se raconter.

Les plus

  • Un Zelda-like bien ficelé
  • Plus accessible qu’il n’y paraît…
  • Artistiquement réussi (ces musiques…)
  • La palette de personnages
  • Un univers très riche pour un « petit » jeu
  • Une « vraie fin » pour les plus acharnés qui vaut le détour…

Les moins

  • Un gameplay pas franchement original
  • … au risque de manquer de défi
  • Quelques soucis de lisibilité
  • Une narration un peu simpliste
  • … mais dommage d’en priver la majorité des joueurs

Test réalisé sur PC grâce à une clé fournie par l’éditeur.

JVFR

Death's Door

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