Test Neurodeck : du deckbuilding que n'aurait pas renié Descartes

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Test Neurodeck : du deckbuilding que n'aurait pas renié Descartes

Antoine Roche

12 octobre 2021 à 14h00

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© TavroxGames
© TavroxGames

Développé par le petit studio indépendant français TavroxGames pour PC (Steam, GOG et Epic Games Store) et bientôt Nintendo Switch, Neurodeck se présente comme un « jeu de cartes roguelite sur la santé mentale ». Si la forme deckbuilding du titre, omniprésente dans le paysage vidéoludique ces dernières années, ne devrait pas nécessairement déchaîner les passions, le fond, en revanche, peut intriguer.

Encore faut-il s'assurer que le jeu tienne sa promesse d'« aventure dans le subconscient »… Pour ce faire, place au test !

5

Neurodeck
  • Bonne idée de départ...
  • Design et animation des phobies
  • Prix raisonnable
  • ...à l'exécution imparfaite et vite répétitive
  • Interface et VF perfectibles
  • Quelques bugs

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Phobophobie de la cartophobie

Dans Neurodeck, pas question d'affronter des créatures dotées de pouvoirs magiques ou d'armes, comme dans quasiment tous les jeux de deckbuilding existants. Ici, il va falloir faire face à une quinzaine de phobies - tout de même personnifiées, sous les traits de monstres : agoraphobie, haptophobie, entomophobie ou encore masculinité (cette dernière n'est pas véritablement une phobie, mais plutôt un concept que les développeurs souhaitent assurément dénoncer)… voici quelques exemples de la liste de nos antagonistes, malheureusement trop courte et explorée en une petite poignée d'heures.

Pour les battre, il faudra utiliser des cartes, lesquelles reprennent des concepts et des objets qui peuvent effectivement aider à affronter ses démons au quotidien (de la nourriture, des actions, des pensées, des activités…). Mécanique de deckbuilding oblige, ces cartes consomment de l'endurance (du mana), et le jeu demande évidemment de surveiller sa propre santé mentale (sa vie), au risque de revenir au menu principal.

L'agoraphobie est l'une des créatures les plus réussies.
L'agoraphobie est l'une des créatures les plus réussies.

À chaque tour, le joueur dispose, de base, de trois points d'actions. Il peut les utiliser pour jouer des cartes (qui infligent des dégâts, des buffs/debuffs, soignent…), choisir une carte en tant qu'équipements (qui disposent alors de charges), en piocher une contre de l'endurance, ou encore passer son tour pour en récupérer.

Au premier abord, rien de bien original sur la forme donc, même si cette boucle aux possibilités suffisantes fonctionne assez bien. Et en montrant chaque type d'action qu'une créature va effectuer à son tour et dans les prochains, Neurodeck assoie sa volonté de proposer une expérience de jeu accessible et compréhensible.

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Pas de quoi tourner la carte

Cette dimension didactique est renforcée par une progression assez simple et classique. Tout au long d'un chemin où chaque étape est un peu plus ardue à passer que la précédente, Neurodeck vous demande de choisir entre différentes phobies à affronter et différentes propositions pour améliorer, étoffer et affiner votre deck ou votre personnage.

Les vraies questions.
Les vraies questions.

Le développement de votre personnage passe par un boost basique des caractéristiques d'endurance et de santé mentale ou, plus original, par des tests de personnalité. Ces derniers permettent de définir jusqu'à trois traits passifs, en fonction de vos réponses à quelques questions, et ainsi de personnaliser un peu chaque run.

Malheureusement, au-delà de ce cœur de game design qui fonctionne plutôt bien, Neurodeck souffre de trois défauts majeurs qui gâchent trop rapidement la fête.

Vous voulez voir ce qui se cache après le "12" de la frise de progression en haut ? C'est malheureusement impossible.
Vous voulez voir ce qui se cache après le "12" de la frise de progression en haut ? C'est malheureusement impossible.

Le principal de ces écueils est assurément l'aspect répétitif du jeu : comme déjà dit plus haut, il y a beaucoup trop peu de phobies à affronter, et leur équilibrage n'est pas parfait. On tourne également très vite en boucle sur les mêmes cartes, événements et tests, auxquels on finit d'ailleurs par répondre en fonction des traits ou des cartes que l'on cherche, et non par « honnêteté ».

Il y a bien quelques cartes et decks à débloquer en jouant ou en gagnant un niveau (via deux personnages et plusieurs humeurs, pour un total de six decks aux cartes et passifs de départ différents), mais la carotte de la progression, d'une partie à l'autre, est beaucoup trop maigre pour un jeu qui se revendique roguelite. Aucune caractéristique ni bonus n'est ainsi conservé d'une tentative à une autre, et il est impossible de personnaliser son deck en amont d'une partie.

JVFR
Battre une créature permet de choisir une carte. Classique.

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Une certaine définition de la folie

Le jeu souffre donc de l'absence d'un vrai système de progression qui permettrait d'améliorer véritablement son personnage à chaque partie (après une victoire ou même une défaite). Ici, il est tout juste possible d'aller chercher les derniers decks et de réaliser les quelques défis façon puzzle, proposés à côté… Aussi, il n'y a pas grand-chose qui motive à relancer une partie après quelques runs, alors qu'on a l'impression d'avoir déjà presque tout vu.

JVFR
Certains soucis de mise en forme ont été corrigés avec les derniers patchs, mais pas tous.

C'est là qu'aurait pu intervenir habilement la thématique de la maladie mentale de Neurodeck. En proposant un fond riche, informatif et engageant, le jeu pourrait compenser ses faiblesses de contenu. Il n'en est malheureusement rien.

De fait, le jeu n'explique pas toujours clairement ce qui se cache derrière chaque phobie ; il ne propose que quelques textes facultatifs, façon journal intime, du reste pas très convaincants, ni intéressants à lire (ni même bien traduits, mal mis en forme, trop lents à s'afficher et rarement en lien avec les phobies affrontées…).

Aussi, Neurodeck donne malheureusement l'impression de ressembler à n'importe quel autre jeu de deckbuilding, auquel on aurait ajouté une skin sur la santé mentale, sans véritable liant à chaque run entre les cartes, événements et textes tirés. Sans m'attendre à ce que cela remplace une séance chez un thérapeute, j'espérais mieux de ce titre.

JVFR
"Si on tire sur tous les fils : belligérance, violence conjugale, sexisme, racisme, homophobie, colonialisme, ainsi que toute autre attitude prédatrice ou discriminante, poursuivent un objectif commun; celui de prouver qu'on est un homme un vrai." Au moins, les auteurs ne font pas semblant avec la question de la masculinité.

Enfin, malgré un design et une animation de qualité pour les phobies, le jeu gagnerait à améliorer son interface à de nombreux niveaux.

Eléments et mécaniques pas toujours clairs, fenêtres qui se chevauchent ou qui ne s'affichent pas parfaitement, bugs variés… Il y a encore de la place pour quelques corrections et améliorations malgré une évolution déjà visible entre notre version de test et la mouture 1.0.

N'oublions pas non plus que, malgré cette pluie de critiques, ce (petit) jeu est proposé à un petit prix, gageant de l'ambition mesurée de sa (petite) équipe. Neurodeck pourra en outre résonner davantage auprès de quelqu'un peut-être plus sensible que votre serviteur à la question des phobies… Ayant surtout la phobie des araignées, le jeu ne m'a pas vraiment aidé.

JVFR
Un des passifs que l'on peut obtenir pour personnaliser une run.

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Neurodeck : l'avis de Clubic

Avec Neurodeck, TavroxGames veut bien faire, c'est indéniable. Entre son gameplay central plutôt efficace et l'animation très réussie des phobies personnifiées, le jeu a d'ailleurs quelques arguments à faire valoir. Malheureusement, beaucoup de choses restent à la traîne.

L'écriture (en tout cas en VF) n'est pas toujours des plus convaincantes (ce qui est spécialement dommage pour un jeu qui tend à traiter d'un sujet aussi important que la santé mentale), et une poignée d'heures suffit à faire le tour de la grande majorité du contenu proposé. Les plus motivés pourront bien aller chercher les derniers decks, mais il faudra se montrer très patient face à un jeu qui retombe trop vite, ad nauseam, sur les mêmes créatures et cartes, tout en oubliant de lier le tout pour proposer une véritable « aventure dans le subconscient » de ses personnages.

JVFR

Résultat, on manque de motivation et d'envie à s'investir dans ce deckbuilding répétitif. En revoyant son système de progression pour proposer un vrai roguelite, en affinant son écriture, et en ajoutant des phobies à combattre à sa liste, Neurodeck pourrait aisément gagner un ou deux points de note.

Neurodeck

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L'idée de combattre des phobies à coups de cartes est excellente, c'est indéniable. Il est également clair que le système de combats de Neurodeck, ou encore les animations des créatures fonctionnent. En revanche, TavroxGames a encore du travail à fournir pour affiner l'interface, le système de progression, le contenu ou encore l'écriture, et ainsi espérer s'imposer dans un pan du jeu vidéo aujourd'hui très riche, où une thématique un peu originale ne suffit plus à se démarquer.

Les plus

  • Bonne idée de départ...
  • Design et animation des phobies
  • Prix raisonnable

Les moins

  • ...à l'exécution imparfaite et vite répétitive
  • Interface et VF perfectibles
  • Quelques bugs

Testé sur PC à partir d'un code envoyé par l'éditeur

JVFR

Neurodeck

Commentaires via Clubic

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