Les Dossiers de la Rédaction : retour sur la saga Silent Hill

Une autre marque de fabrique de la série est de jouer, comme de nous faire jouer, avec le temps. Dans Silent Hill, le temps semble se suspendre. Les personnages n'apparaissent jamais lors de scènes du quotidien, comme si le temps n'avait aucune emprise sur la bulle Silent Hill. Homecoming valide ce fait, toutes les montres et horloges des habitants de Shepherd's Glen s'étant mystérieusement arrêtées à 2h06. Le joueur semble donc agir hors du temps, accréditant la thèse selon laquelle tout ne serait que pure vue de l'esprit du héros (ce qui expliquerait les monstres, les rencontres étranges et autres altérations du monde « réel »). Le joueur peut parfois également être touché par ce phénomène. Il n'est pas rare de penser avoir passé plusieurs heures à arpenter les rues de Silent Hill, le compteur du jeu affichant péniblement quelques dizaines de minutes. La densité émotionnelle proposée par les jeux peut certes expliquer ce phénomène, qui reste néanmoins intéressant. Il donne en effet l'impression d'atteindre un autre niveau de réalité, donc de perception. Silent Hill, une drogue ?



Le temps est donc suspendu, faisant même obstacle au cycle naturel. Pas vraiment de rapport jour/nuit à Silent Hill, l'épais brouillard comme le côté sombre de tous les lieux du jeu laissant à penser qu'un espace/temps alternatif sert de cadre à l'action. Jamais vraiment sombres, jamais vraiment éclairées, les rues de Silent Hill offrent froideur et hostilité, en plus de solitude. Nulle source de chaleur ou de lumière ou presque, si ce n'est la lampe torche toujours portée par le héros, pourtant obligé de l'éteindre pour ne pas attirer les monstres. L'envie de voir et de savoir est souvent la plus forte, portant souvent atteinte à la sécurité de notre pendant numérique.

La série Silent Hill joue également avec le temps dans sa construction narrative. Nombreux sont les épisodes offrant un déroulement en deux parties, l'une étant consacrée à la survie et à l'errance, l'autre étant consacrée à la quête de sens. Plus le joueur/héros se familiarise avec les environnements du jeu, donc avec ses mécaniques, plus il ira chercher les raisons du problème. Cela attire d'ailleurs notre attention sur une autre liberté prise par les développeurs des différents jeux. A la différence de bien d'autres titres, Silent Hill propose bien souvent au joueur de chercher les causes après les solutions. On commence avec un problème, que l'on cherche à résoudre. Rapidement, on ne cherchera plus tellement la solution, conscient que nous sommes du côté inéluctable du déroulement (et ce, malgré la présence de plusieurs conclusions), et on se concentrera sur les causes, pas forcément plus évidentes à entendre.