Test Still Life (Xbox) : 5/10 sur JeuxVideo.fr

Etant lecteur assidu de Maxime Chattam (L’âme du Mal, In Tenebris, Maléfices), c’est avec un plaisir non dissimulé que je trouve un jeu qui flirte avec une ambiance malsaine et surtout les tueurs en série. J’enfile mon imper, mon chapeau, et me voilà parti sur les lieux du crime. Suivons une enquête peu ordinaire.

Après avoir inséré fébrilement le CD, nous voilà plongés directement dans l’ambiance avec une cinématique d’introduction bien construite, opérant par montage croisé entre l’activité du serial-killer et celle de Victoria McPherson, l'un des deux protagonistes du jeu, le tout sur de la musique classique bien pompeuse du plus bel effet. La qualité graphique du menu ne fait que renforcer la très bonne première impression que l'on a. Malheureusement, la suite nous fera quelque peu déchanter…Nous prenons le contrôle de Victoria, agent du FBI, au moment où une cinquième prostituée a été trouvée éviscérée à Chicago. Après avoir fouillassé les lieux du crime et fait un tour à son bureau, Victoria prend un petit moment pour aller voir son père. Or, c'est dans le grenier familial qu'elle va trouver un manuscrit rapportant l'enquête qu'avait effectuée son grand-père au début du siècle à Prague, qui avait confronté celui-ci à un meurtrier qui lui aussi éviscérait des prostituées (dites-moi pas que c'est pas vrai !). Mais ce n'est pas tout : le grand-père en question n'est autre que Gustav McPherson, le héros de Post Mortem (dites-moi pas que c'est pas vrai bis !). Nous allons alors incarner l'un après l'autre, selon une trame bien déterminée, Victoria la belle et Gustav le moustachu.

Les développeurs ont voulu donner un caractère très cinématographique à Still Life : montage des cinématiques rapide et dynamique inspiré de Seven, musiques symphoniques, personnages très profilés (agent rebelle qui se confronte à la rigidité de son supérieur hiérarchique, collègue un peu gauche), en somme beaucoup des ingrédients des thrillers habituels. Cependant, cet aspect a de mauvaises répercussions sur la jouabilité. En effet, si le scénario est intéressant (même si les rebondissements sont rares), celui-ci prend le pas sur l'interaction, qui se retrouve du coup réduite à sa plus simple expression. La majeure partie de l'enquête va en effet s'effectuer par une collecte d'objets au nombre très restreint, le plus souvent cachés dans des coins sombres de l'écran. De plus, l'interaction que l'on a avec ces objets est prédéterminée : hors inventaire (où l'on peut, ce qui est bien utile, regarder sous toutes ses coutures l'objet récupéré), un simple clic fera agir le personnage de manière adéquate. Pire, nombre d'éléments du décor ne pourront être pris ou utilisés qu'une fois un événement scénaristique passé.On progresse alors pendant la majeure partie du jeu sans grande difficulté, totalement assisté. Cependant, ces faciles phases d'investigation sont entrecoupées d'énigmes parfois assez difficiles et surtout au fonctionnement assez obscur et mal pensé (notamment celle de la confection de petits gâteaux, où chaque nom d'ingrédient est remplacé dans la recette par celui d'une vertu). Peu amusantes et surtout faisant appel tout autant à la logique qu'à la chance, celles-ci n'augmenterons que rarement votre plaisir.Il y a tout aussi peu de liberté dans les scènes de dialogue : nous ne pouvons jamais voir ni choisir les tirades à déclencher. Nous sommes réduits à utiliser la gâchette gauche (pour poser une question utile à la résolution de l'enquête) ou la gâchette droite (pour engager une discussion plus triviale sans réel lien avec la trame). La cohérence et la crudité réaliste des dialogues ne compensent pas la frustration d'être totalement guidé.

Ce retour à une jouabilité old school (vieille école) s'accompagne d'une réalisation tout aussi old school, qui a pour avantage de ne pas nécessiter une bête de course. En effet, ici, seuls les personnages sont en 3D, les décors étant eux en 2D. Si ces derniers sont souvent bien rendus, bien qu'un peu ternes, ils sont en revanche très vides, ce qui souligne plus le manque d'interactivité que ne crée une sensation de claustrophobie. L'ambiance est dans l'ensemble assez mal rendue, notamment à cause de prises de vue fades ou de personnages au style trop cartoon. Ces derniers sont en sus très mal animés, se déplaçant avec un balai dans les fesses et parlant avec un trouble aigu de la synchronisation.Le doublage des voix est toutefois plus réussi, rendant justice au caractère cru et spontané des dialogues. Le reste de l'ambiance sonore est du même acabit. Si les musiques sont rares, elles sont souvent bien choisies et leur style coupe radicalement avec le silence pesant dans lequel on évolue durant la majeure partie du jeu. Une place plus importante est laissée aux petits bruitages, très bien rendus, par exemple ceux des clapotis lorsqu'on marche dans une flaque.

Still Life est clairement une déception, tant on espérait d'une rencontre entre le point & click et l'univers glauque du thriller . Mais une réalisation moyenne et surtout une extrême linéarité viennent gâcher l'immersion et le plaisir de jeu. Reste l'envie de progresser dans la trame scénaristique et quelques énigmes, mais on est loin de la profondeur des jeux d'aventure de la fin des années 80 et du début des années 90.