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Publiée le 01/10/2013 à 13:10, par Jean-Marc

Un peu de lecture avec AYBABTU de Harold Goldberg

Un titre mystérieux et un remarquable ouvrage pour découvrir comment les jeux vidéo ont conquis la pop culture en un demi-siècle

Les ouvrages qui traitent de l'histoire du jeu vidéo sont nombreux et bien souvent, nous y retrouvons encore et toujours les mêmes jeux, ces titres qui ont apporté leur pierre à l'édifice. En avoir lu un revient presque à les avoir tous lus, car l'histoire est ce qu'elle est, on ne va pas la changer simplement avec des mots. Globalement, c'est la présentation et les illustrations qui changent, mais le fond reste toujours le même.

Avec AYBABTU, Harold Goldberg a trouvé une approche alternative pour nous présenter cette histoire vidéoludique : « comment les jeux vidéo ont conquis la pop culture en un demi-siècle ? ». Américain, Harold Goldberg est chroniqueur de jeux vidéo pour le New York Times, il a également écrit sur une variété de sujets pour Rolling Stone et a travaillé pour Sony Online Entertainment sur Everquest. Au cours des années, il a interviewé de nombreux acteurs du milieu et, tout en respectant la sacro-sainte chronologie officielle de l'Histoire du jeu vidéo, nous la présente d'une façon personnelle et inédite particulièrement intéressante et rafraîchissante.

La première approche que le lecteur a avec cet ouvrage n'est pas la meilleure. Tout commence avec une couverture rose sur laquelle apparaissent les mystérieuses initiales, quelques points jaunes, le nom de l'auteur, le sous-titre thématique et l'éditeur. Un chef-d'œuvre de sobriété, mais rien d'éclatant ni de très coloré à même d'attirer le regard de l'amoureux des jeux vidéo. Et pourtant en y regardant d'un peu plus prêt, une logique bien vidéo ludique apparaît sous nos yeux. Ces petits points jaunes ne seraient-ils pas en train de se faire gober par un Harold Goldberg déguisé en Pac-Man et le nom de l'éditeur Allia, ne serait-il point la Pac-gomme de l'invicibilité ? Oh que si ! S'ensuit un gros ouvrage de 447 pages malheureusement illustré en noir et blanc.

Guillemets (ouverts)
...les hackers universitaires et ces jeunes rebelles qui ont tenté l'expérience de concevoir des jeux
Guillemets (fermés)

Et pourtant, c'est en se démarquant ainsi du reste de la littérature sur l'histoire du jeu vidéo que nous allons pouvoir nous focaliser sur le plus important en fait, l'histoire de ses hommes et femmes ainsi que de ses sociétés qui ont fait entrer le jeu vidéo dans les foyers et qui l'ont petit à petit démocratisé, de la simple expérience scientifique sur oscilloscope jusqu'au très grand public de la Wii en passant par les hackers universitaires et ces jeunes rebelles qui ont tenté l'expérience de concevoir des jeux alors qu'absolument personne ne croyait en leur vision.

Le préambule n'est pas représentatif du reste de l'ouvrage et s'ouvre classiquement sur William Higinbotham et son célèbre Tennis For Two conçu sur un simple oscilloscope. C'est à partir du premier chapitre consacré à Ralph Baer, créateur du premier jeu vidéo et de la Brown Box qui deviendra l'Odyssey de Magnavox, que l'on découvre l'approche adoptée par Harold Goldberg. Une approche anecdotique, mais très éloignée du sens péjoratif que nous lui accordons habituellement, mais bien dans son acceptation première, celle qui précise les points de détails qui finalement revêtent une grande importance.

Nous suivons alors à chaque nouveau chapitre la vie de ses personnes qui ont à un moment donné mis le pied dans cet univers et y ont apporté ce petit plus, qui l'ont fait évolué dans le bon sens, qui l'ont rendu populaire et qui fait que maintenant il est un pan entier de notre culture. Les premiers chapitres ne dérogent donc pas à la chronologie officielle et après Ralph Baer, c'est un Nolan Bushnell opportuniste que nous suivons de Pong à la création d'Atari, jusqu'à l'arrivée des premiers jeux dans les salons. La crise du jeu vidéo de 1983, principalement subie aux États-Unis arrive ensuite, durant laquelle sont notamment apparus les premiers studios de développement indépendants comme Activision, issu d'anciens de chez Atari, insatisfaits de ne pas avoir suffisamment de reconnaissance. Du Japon viendra un sauveur en la personne de Miyamoto, d'un grand singe et d'un charpentier, futur plombier.

Guillemets (ouverts)
...l'émergence des jeux bac-à-sable, qui laissent une impressionnante liberté d'action aux joueurs
Guillemets (fermés)

C'est à la suite de ce chapitre que AYBABTU change son approche avec un chapitre émouvant consacré à Tetris et à monsieur Alexei Pajitnov. Nous suivons ses déboires, ses joies, ses illusions et ses peines jusqu'à sa reconnaissance tardive. Nous suivons ensuite l'essor d'Electronic Arts avec l'audace d'un Trip Hawkins qui voulait émouvoir les joueurs et qui a conquis le monde avec un certain John Madden Football. De l'action et des énigmes, voilà ce à quoi les joueurs avaient principalement droit. Certains se sont alors demandés comment raconter des histoires étoffées, là où Trip Hawkins avait échoué, d'autres allaient réussir avec l'apparition des jeux d'aventures au rang desquels Zork, Myst et The 7th Guest ou King Quest. C'est alors l'occasion de suivre les parcours de Graeme Devine et de Roberta et Ken William. Nous vivons cette période hippie où la conception des jeux se faisait dans une ambiance à même de transporter ses concepteurs dans d'autres univers...

aybabtu
Et tout évolue alors rapidement, la PlayStation arrive avec en ligne de mire un public plus adulte, la 3D se démocratise, l'aventure se veut plus immersive et accessible à tous, les joueurs découvrent les mondes virtuels et les jeux massivement multijoueurs en ligne avec le précurseur Everquest jusqu'à ce que ce dernier se fasse damer le pion par un certain World Of Warcraft. Les histoires deviennent de plus en plus belles ou horribles et de plus en plus réalistes visuellement, Bioshock concrétise alors le rêve d'un certain Ken Levine. Le succès est phénoménal pour ces jeux vidéo présents partout désormais et le cinéma s'y intéresse sans grand succès. C'est ensuite l'émergence des jeux bac-à-sable, qui laissent une impressionnante liberté d'action aux joueurs. Deux visionnaires entrent en scène, Sam et Dan Houser. Nous suivons alors leur périple qui a amené à la création de Rockstar et de Grand Theft Auto. Nous vivons avec eux leurs déboires avec le procès de la violence dans les jeux vidéo.

Dès 1997, certains se sont dit que les jeux vidéo ne sont pas exclusivement destinés à deux joueurs purs et durs et qu'une frange de la population ne souhaite que se détendre sans se sentir oppressé. Deux jeunes adolescents dont nous suivons alors l'histoire, vont comprendre cela et être amenés à réaliser des jeux pour tous, dont un certain Bejeweled en fondant la société PopCap. Le casual gaming n'est donc pas ce fléau tant décrié depuis 2008 mais bien un phénomène vidéoludique populaire depuis déjà une bonne dizaine d'années, notamment avec les jeux en ligne de poker, bingo et autres jeux de cartes, dont Sony n'a pas été le dernier à s'y être investi. S'adresser à tous et aux plus mordus, c'est Will Wright qui a rendu accessible au plus grand nombre la simulation économique, nous découvrons alors les origines de Sim City et suivons l'évolution de ce concept jusqu'aux Sims et Spore.

La force d'Harold Goldberg est de nous raconter cette Histoire du jeu vidéo toujours en nous racontant le vécu, à peine romancé de ces personnes, qui fait que l'on s'attache à eux. Il ne se contente pas d'évoquer un titre et de passer simplement au suivant, il nous fait participer pleinement à cette évolution. Il passe d'un personnage à un autre et le tout est parfaitement cohérent. Il ne se contente pas de suivre une bête chronologie, il revient régulièrement en arrière de façon subtile pour remettre chaque période dans son contexte en la reliant avec ce qu'il nous a fait découvrir auparavant. Tout est lié, rien n'est inutile. La construction du livre est très habile et, tel le dernier Grand Theft Auto en date, il nous fait passer d'un héros à un autre sans que nous ne nous en rendions compte, pour finir par revenir à celui que nous suivions au début de l'histoire. La lecture de AYBABTU est passionnante et captivante, c'est un véritable régal, et le livre se dévore sans que l'on voit les heures défiler.

Mais... AYBABTU... Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? La réponse est... page 6.

« AYBABTU - Comment les jeux vidéo ont conquis la pop culture en un demi-siècle » est édité aux Editions Allia au prix de 20,00 €.
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