Preview de Professeur Layton VS Ace Attorney : une rencontre au sommet

Faire se rencontrer en un même jeu le Professeur Layton et Phoenix Wright, l'idée était excitante, et pas seulement du point de vue du fan service. Au delà de la simple rencontre "physique" entre deux stars emblématiques du jeu de logique, c'est aussi la confrontation de deux mondes que Professeur Layton vs Ace Attorney promet. Comment les aventures posées du gentleman Layton peuvent-elles cohabiter avec les combats légaux au rythme survolté de Phoenix Wright, super-guerrier des cours de justice ? Après une poignée d'heures passées sur le jeu, la rédaction vous livre ses premières impressions.


Le bel enrobage visuel et musical :
Passé maître en l'art du cell-shading, le développeur Level-5 poursuit ici le travail esthétique très réussi qu'il avait accompli sur le dernier Professeur Layton - l'Héritage des Aslantes - : finement modélisés en 3D, les personnages et décors ressemblent à des sprites 2D colorés à la main, et profitent d'une animation très fluide, capable de restituer une large palette d'expressions. Rien que du très familier pour les amateurs du détective, qui se sentiront immédiatement chez eux ; pour ceux de Phoenix Wright en revanche, le passage à la 3D est une première, heureusement convaincante.

Tout en faisant peau neuve, le petit monde judiciaire de la série de Capcom semble ne rien avoir perdu de son énergie et de son imaginaire absurde, le crossover reprenant jusqu'aux plans "signatures" de la série (juge en contre-plongée, personnages plein cadre) et ses thèmes musicaux. Plus généralement, la bande-son fait d'ailleurs une excellente impression : les doublages anglais nous ont semblé convaincants, et les musiques, parfaitement dans le ton de l'une et l'autre aventure (posées et mystérieuses pour Layton, frénétiques et tendues pour Phoenix Wright). Quant aux cinématiques en dessin-animé - toujours réalisées par Bones -, elles apportent cette petite touche de finition bienvenue, qui articule les phases de jeu de fort belle manière. Bref, le titre respire le travail bien fait sur le plan esthétique.

Les retrouvailles avec Phoenix Wright : Jeux d'aventure et de logique uniques en leur genre, les Ace Attorney ont ceci de génial qu'ils transforment leurs joutes verbales en de véritables combats, où les "Objections" et "Hold It" fusent comme les Ultra d'un Street Fighter (et laissent d'ailleurs les adversaires physiquement K.O.). La dernière "vraie" aventure de l'avocat aux cheveux pointus remontant à fin 2008, on prend immédiatement plaisir à retrouver ce qui faisait le sel de la série de Capcom : même structure en témoignages/contre-interrogatoires, même satisfaction de trouver la faille logique dans le récit du camp adverse, mêmes personnages plus barjots les uns que les autres. A ce titre, la séquence "tribunal" de notre session preview conviait une galerie de personnages multipliant les mimiques et gestuelles hilarantes - comme ce garde au sourire Colgate ponctuant ses témoignages d'un lancer de casquette ou d'une bouchée à pleines dents dans une tablette de chocolat -. Ce premier procès semble en tout cas mettre ce Layton VS Ace Attorney sur de bons rails, et rassure son joueur après un démarrage un peu poussif aux commandes du détective.

Difficulté tirée vers le bas : On ne s'attendait certes pas à ce que les premières heures de jeu soient difficiles, mais la simplicité extrême des débuts - côté Layton comme Phoenix Wright - nous inquiète en revanche quelque peu. Bien intégrés à l'histoire, les casse-têtes initiaux sont aussi bien moins retors que dans les précédents jeux Layton, et semblent pencher davantage vers le mini-jeu que vers le pur exercice de logique - certains des premiers puzzles peuvent par exemple se finir "par hasard", sans y penser. Ce n'est pas de bonne augure pour ceux qui aiment cette série pour son côté "chauffe-méninges" sans concession. Les fans de Phoenix Wright seront-ils mieux servis ?

On n'en jurera pas : en s'invitant jusque dans les procès, le système d'indices payables en Picarats - issu des Layton - nous semble totalement hors-sujet. Lorsqu'on y fait appel, le jeu indique précisément la phrase du témoignage qu'il faut contrer, et filtre les preuves concernées par l'objection du moment : manière de court-circuiter la difficulté de la série originale à l'usage des nouveaux venus, certes, mais qui n'est pas sans conséquence sur la tension d'un procès. Si chacun reste libre d'y faire appel ou pas, ce recours permanent risque en effet de casser le climat de "quitte ou double" qui faisait tout le piquant des précédents Ace Attorney. A trop vouloir lisser ses mécaniques pour ne pas déplaire au public de l'une et l'autre série, ce crossover ne risque-t-il pas de décevoir tout le monde ?

L'ombre du fan-service : Pour convaincre sur ses propres mérites ludiques, Professeur Layton VS Ace Attorney devra dépasser l'horizon du "fan-service" basé sur la seule connivence avec les amateurs des deux séries... ce qui ne semble pas forcément gagné si l'on en croit nos premières heures de jeu. Phases de puzzles et de procédure judiciaire s'y passaient en effet le relais sans se rencontrer vraiment, loin de la confrontation des "mécaniques" espérées. Aucune solution ne semble avancée pour marier le rythme pépère des puzzles d'un Layton et l'énergie des affrontements rhétoriques des Phoenix Wright. Le risque, c'est que le mélange ne prenne pas du strict point de vue du game-design, et que ce crossover ne soit rien de plus qu'un jeu bancal et bipolaire, échouant à créer une cohérence globale.


En deux heures de jeu, Professeur Layton VS Ace Attorney nous a semblé être un crossover à la fois prometteur et casse-gueule. Prometteur, parce que sa finition impeccable et sa direction artistique charmante font rentrer de plain-pied dans son étrange histoire de sorcellerie et de mondes parallèles. Casse-gueule, parce que le "versus" du titre laissait espérer une vraie confrontation entre les licences, un vrai mélange de leurs mécaniques de jeu : mélange auquel les débuts de l'aventure se refusent, se bornant à enchaîner un chapitre "casse-tête" trop facile et une phase de tribunal parasitée par un système d'indices hors-sujet. Reste le charme intact de l'une et l'autre série, et l'espoir que les chapitres suivants réussiront à accomplir l'idée géniale promise par le titre en une offre ludique réellement inventive.