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Publiée le 24/10/2014 à 11:10, par Nerces

David Helgason, fondateur d'Unity parle de John Riccitiello et du chantier Unity 5

Peu après l'annonce d'Unity 5 et alors que le chantier suit son cours, Unity Technologies change de directeur général : Helgason laisse la main à Riccitiello, longtemps associé à Electronic Arts.

David Helgason
Figure emblématique de la société Unity Technologies qu'il a cofondée en 2004, David Helgason vient de quitter la présidence de l'entreprise pour en confier les rênes à John Riccitiello, ancien patron d'Electronic Arts. L'occasion pour nous de revenir sur les dernières annonces de l'entreprise et notamment sur le futur Unity 5.

Jeuxvideo.fr : Annoncé en mars dernier, Unity 5 est une étape cruciale pour votre société, mais quel accueil lui a été fait par vos partenaires, par la communauté ?
David Helgason : Tout le monde a été très excité après cette annonce. Ces deniers mois, nous avons reçu énormément d'encouragements et de félicitations. Unity 5 est très prometteur et tout ce que nous proposons est très réussi. Il s'agit d'un grand pas en avant pour nous. Il n'y a pas si longtemps, seulement 15 personnes travaillaient chez Unity. Aujourd'hui, nous sommes plus nombreux et capables de faire beaucoup plus. Regardez toutes les fonctionnalités, il y a tellement de choses. J'avais d'ailleurs un peu peur que nous ne soyons pas en mesure de tout faire, mais nos équipes sont particulièrement rapides aujourd'hui.

Jeuxvideo.fr : Vous parlez beaucoup d'enthousiasme et d'excitation, mais n'y a-t-il pas eu des critiques ou au moins des remarques ?
David Helgason : Oui, bien sûr et ce n'est pas surprenant lorsque vous avez plusieurs millions de personnes engagées dans une communauté et plus de 600 000 personnes qui utilisent Unity de manière régulière. Tout le monde n'a pas les mêmes besoins et certains s'attendent à des choses différentes de notre part. Il n'est simplement pas possible de satisfaire tout le monde.

Ces développeurs s'appuient sur nos outils, il y a donc un facteur émotionnel dans leurs réactions. Ils ont besoin que Unity fasse exactement ce pourquoi ils l'ont choisi. Tout ce qu'ils souhaitent faire doit être réglé en un seul clic et si tout ne se passe pas comme prévu, cela peut représenter des mois de travail. Nous entendons ces remarques et nous considérons la critique flatteuse : cela veut dire que des gens s'intéressent à ce que nous faisons ! Reste que les critiques sont moins nombreuses aujourd'hui qu'autrefois.

Unity threading
Jeuxvideo.fr : En quelques mots, quelle caractéristique vous semble la plus importante avec Unity 5 ?
David Helgason : Très bonne question. (Silence). Vous savez, le plus important est, à mon sens, tout ce que nous faisons pour améliorer le threading d'Unity. La parallélisation massive des tâches est la clef et c'est sans doute la caractéristique que je retiendrais en parlant d'Unity 5. Elle a un impact sur tout le reste, sur tout ce qu'il est ensuite possible de faire.

Jeuxvideo.fr : Êtes-vous parti dans cette direction parce que c'est l'orientation de toute l'industrie aujourd'hui ?
David Helgason : Oui, sans aucun doute. Tous les appareils ont tendance à devenir multicœur. Les technologies ne progressent peut-être plus aussi vite aujourd'hui et la parallélisation des tâches fait une énorme différence. L'ajout de cœurs permet de faire évoluer les choses et nous devons suivre cette tendance. Ce n'est d'ailleurs pas quelque chose de nouveau pour nous, mais cela reste un élément moteur et dans Unity 5, c'est un élément clef.

Jeuxvideo.fr : Justement, comment choisissez-vous dans quelle direction améliorer votre outil ?
David Helgason : C'est une question très difficile. C'est un mélange de plusieurs choses. Bien sûr, nous écoutons beaucoup notre communauté. De manière informelle, nous rencontrons les studios, nous passons du temps avec différents types d'utilisateurs. Nous avons aussi un système en ligne où les gens peuvent voter pour leurs fonctionnalités préférées. Ce n'est toutefois pas une démocratie où nous choisissons le numéro 1, mais cela nous donne des idées. Nous sommes influencés.

Nous avons aussi beaucoup de collaborateurs et d'équipes très spécialisées qui ne se contentent pas de leur tâche, elles ont une vision de ce que pourrait donner notre outil. Nous devons donc mélanger ces différents retours et tenter d'équilibrer tout ça pour proposer la meilleure technologie... en fonction de nos moyens !

Unity 5 audio editor
Unity 5 editor

Unity 5 promet de très nombreuses nouveautés, notamment un puissant éditeur audio intégré.

Jeuxvideo.fr : Êtes-vous attentif à ce que proposent vos concurrents ? Vous inspirez-vous de leur propre travail ?
David Helgason : Une réponse bateau serait de dire bien sûr, nous faisons très attention à cela. Mais en réalité, ce n'est pas ainsi que cela se passe. Nous ne regardons pas vraiment ce qu'ils font car nous avons déjà beaucoup d'utilisateurs à écouter. Pour faire simple, près de la moitié des développeurs utilisent Unity. Ils sont donc suffisamment nombreux pour que nous nous fiions à leurs besoins.

Je pourrais citer de très nombreux concurrents et nous pourrions passer notre temps à analyser chacun de leurs mouvements, mais nous perdrions notre temps. En regardant le chemin que nous avons parcouru, on se rend compte que nous n'avons jamais vraiment cherché à copier les autres, à copier leurs idées.

Flying Sweden Unity
Jeuxvideo.fr : Que vous ne cherchiez pas à copier vos voisins ne peut empêcher certains développeurs de souhaiter telle fonctionnalité dans Unity, non ?
David Helgason : Tout à fait, la question de la 2D en est d'ailleurs un bon exemple. Unity était un moteur 3D et il y avait de très bons moteurs 2D. Puis, nous nous sommes aperçus que nombre de nos utilisateurs fabriquaient des jeux 2D avec Unity alors qu'il n'était pas doué pour ça. On a donc creusé un peu plus et on s'est rendu compte que des gens voulaient de vraies améliorations pour gérer correctement la 2D sur Unity, ils voulaient du multiplateforme et d'autres choses encore.

Nous nous sommes donc posés pour voir ce qu'il fallait faire, quels étaient les besoins tout en ayant à l'esprit que Unity était aussi un moteur 3D et qu'il devait bien sûr le rester. Nous avons donc travaillé à l'intégration de fonctionnalités 2D tout en faisant progresser la 3D. Nous sommes très fiers du résultat. Nous n'avons copié personne et cherchions surtout à comprendre pourquoi nos clients utilisaient Unity plutôt que les solutions 2D existantes. Comprendre pourquoi ils n'en étaient pas satisfaits.

Jeuxvideo.fr : Unity est compatible avec à peu près toutes les plateformes. Comment aidez-vous vos partenaires à savoir quelle fonctionnalité peut s'afficher sur telle machine, quelle fonctionnalité est trop gourmande ?
David Helgason : C'est un de nos défis. Nous avons des d'outils capables d'aider les studios. Il y a bien sûr des fonctionnalités pour réduire le niveau de détail des textures, d'autres pour réduire la complexité des shaders. Les meshes utilisées pour les modèles 3D peuvent aussi être simplifiées, mais il est toujours difficile d'automatiser tout cela : le rendu n'est souvent pas à la hauteur.

Ce processus de « réduction » se gère aussi artistiquement. Il faut que vous ayez le choix, il faut pouvoir essayer, modifier, tenter, corriger, rectifier, rechanger. Nous apportons nos solutions pour automatiser les choses, mais cela ne peut pas marcher à chaque fois.

Jeuxvideo.fr : Les jeux Unity disponibles sur de très nombreuses plateformes rappellent les années 80 où les jeux sortaient sur Amiga, Atari, Amstrad, Commodore, PC, Spectrum. Comment comparez-vous cette époque à aujourd'hui ?
David Helgason : Oui, c'est amusant. Si on compare, on voit que les équipes à cette époque étaient petites et les budgets réduits. Aujourd'hui, Unity aide justement à réduire les besoins, les budgets (rires). Peut-être aidons-nous en quelque sorte à faire revivre cette période... mais à une échelle bien différente : les téléchargements se comptent en centaines de milliers voire en millions (rires).

R-Type version Amiga 500
R-Type version Amstrad CPC
R-Type version Commodore 64

R-Type version SEGA Master System
R-Type version MSX
R-Type version Spectrum

Le multiplateforme d'Unity rappelle les années 80 et les innombrables versions de chaque jeu : ici, R-Type sur Amiga, Amstra CPC, Commodore 64, Master System, MSX et Spectrum.

Jeuxvideo.fr : Pour aider ces développeurs, vous insistez souvent sur la présence de l'Asset Store et de ses 12 000 packages. Ne craignez-vous pas que la quantité supplante la qualité ?
David Helgason : J'avoue que je n'ai pas regardé récemment, c'est sans doute plus de 12 000 aujourd'hui... Certains d'entre eux ne sont pas très bons c'est sûr. À vrai dire, nous rejetons déjà beaucoup de propositions. D'anciens packages seraient certainement rejetés aujourd'hui. J'estime que nous sommes arrivés à un certain niveau de qualité.

Unity Asset Store
Les utilisateurs ne sont pas démunis. Ils peuvent choisir. Ils ont des previews. Ils peuvent consulter des captures d'écran et peuvent même explorer ce qu'il y a dedans. Ils voient la taille des fichiers, ce genre de choses. De nombreux créateurs d'assets proposent des vidéos pour montrer leur création. En outre, les prix sont globalement très bas et un achat « par erreur » n'est pas si grave. En tout cas, ça ne semble pas être devenu un problème aujourd'hui. Il me semble qu'une autre question concernait le fait que les jeux Unity se ressemblent un peu tous, c'est ça ?

Jeuxvideo.fr : Peut-être pas identiques, mais il y a une certaine uniformité...
David Helgason : Mais ce n'est simplement pas le cas ou plus le cas (rires). Il y a tellement de styles différents, tellement de possibilités. La question est plutôt de savoir si une personne a du goût ou pas. Une personne qui n'a pas de goût fera quelque chose de moche de toute façon. Cela fait quatre ans que nous avons lancé l'Asset Store et cette année, il y a eu plus de 7 millions de téléchargements.

Certaines personnes l'utilisent juste pour apprendre, d'autres pour réaliser un prototype sachant qu'elles remplaceront ensuite les éléments par leurs propres assets. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui de plus en plus de jeux ont leur propre style, même sous Unity. Dans certains cas, on peut reconnaître des assets de l'Asset Store, mais c'est de plus en plus rare et ne concerne que des éléments bien précis pour lesquels ils sont parfaits et font gagner tellement de temps. Ça permet de se consacrer à d'autres tâches et c'est le plus important. Enfin, c'est mon avis.

John Riccitiello
Jeuxvideo.fr : Suite à l'arrivée de John Riccitiello au poste de directeur général, vous avez quitté vos fonctions. Est-ce quelque chose que vous souhaitiez depuis un long moment ?
David Helgason : Lors de notre rencontre, John et moi avons immédiatement sympathisé. Nos discussions à propos d'Unity, mais aussi de l'industrie dans son ensemble nous ont immensément inspiré. Depuis un an qu'il est au conseil d'administration, John a été particulièrement actif et nous avons finalement réussi à le convaincre de nous rejoindre à temps plein.

Jeuxvideo.fr : L'activité de John Riccitiello et, peut-être, certaines de ses nouvelles idées ont-elles convaincu le conseil d'administration ?
David Helgason : John travaille en étroite collaboration avec moi et toute l'équipe exécutive afin de détailler et mettre en application notre stratégie avec les développeurs. Il ne s'agit pas seulement de leur apporter des outils puissants, mais aussi de les aider à réussir en comprenant leur audience, en se rapprochant d'elle.

Jeuxvideo.fr : Que diriez-vous pour rassurer les développeurs indépendants qui pourraient voir en John Riccitiello ce « grand-méchant-qui-autrefois-était-chez-EA » ?
David Helgason : Jetez simplement un œil objectif à ce qu'il a accompli là-bas. Il est arrivé à une époque où la distribution physique était en train de plonger, à une époque où de puissantes sociétés comme Atari, Midway ou THQ amorçaient un déclin qui s'est terminé comme vous le savez. EA devait faire face à de nombreux défis, de mauvais résultats Metacritic et trop de studios qui ne sortaient pas de jeux rentables.

Unity 5
Il a été contraint de prendre des décisions difficiles, fermer des studios autrefois appréciés, annuler des projets et se lancer dans la distribution numérique. Il y est parvenu, mais il a également su reconnaître ses erreurs et, en quittant EA, il a laissé une société en meilleure santé qu'en arrivant. Plus important encore, chez EA, il a fait ce que les actionnaires et le conseil estimaient nécessaire. Chez Unity, il fera ce que les actionnaires et le conseil estimeront nécessaire : ce sont deux choses extrêmement différentes et je serai là, à ses côtés, pour l'aider dans cette tâche.


Si David Helgason n'est plus directement à la tête d'Unity Technologies, il conserve un rôle clef alors que, malgré ce que disent certaines rumeurs, la société n'est pas à vendre. La sortie future d'Unity 5 sera l'occasion pour David Helgason de reprendre une fonction qui lui sied davantage, à la rencontre et à l'évangélisation des studios de développement. Les derniers jeux disponibles nous confirment d'ailleurs que Unity reste une technologie clef pour nombre d'entre eux.
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