Dans la mouvance dans jeux indépendants emprunts de poésie, Undergarden tire son épingle du jeu en proposant une expérience extatique et zen sur la base d'un jeu de plateforme 2D, en dépit d'un intérêt ludique discutable.
On comprend ce qui peut motiver les développeurs indépendants à esthétiser leur jeu à outrance et à mettre une fleur dans leurs cheveux bouclés : la crédibilité artistique ainsi gagnée récolte au moins le succès d'estime, et peut même avoir de belles retombées commerciales. Proposant des tableaux floraux presque dignes de galeries d'art contemporain, Undergarden, nouveau jeu de plateforme complètement centré sur son esthétique, se place clairement dans cette tendance. Que peut-on attendre ludiquement d'un titre qui scande sa poésie visuelle à tous les niveaux ? Réponse dans le test.
Un jeu sous haute influence
Nous en avons donné l'indice dans l'intro, cette poésie n'est pas toujours garante d'originalité.
Undergarden porte dans son principe même l'influence de Flower, autre jeu à vertu zen et beau succès sur le PSN. Dans les deux titres, le joueur doit faire fleurir les mondes parcourus dans son sillage à la fertilité magique. Tous deux mettent en scène, à leur façon, le même
trip démiurge et jouissif de participation créatrice à un monde grisâtre jusque-là. Le projet central : procurer un état d'extase par le défilement de beaux paysages en cours de transformation dans un souffle lyrique.
Entre les deux titres, le
game design diffère cependant de façon considérable. Là où Flower était un jeu de circulation en 3D dans de vastes prairies herbeuses presque abstraites, Undergarden représente par ses niveaux en 2D des réseaux complexes de cavernes aquatiques. Plus classique, le titre d'Atari s'appuie ainsi sur
une conception traditionnelle des niveaux en couloirs, qui rappellent régulièrement ceux de Soul Bubble, ingénieux jeu de plateforme sorti sur DS. Si les visions d'Undergarden sont moins spectaculaires que les sidérantes transformations des panoramas de Flower, elles n'en possèdent pas moins
un grand pouvoir de fascination, construites sur leur propre mérite et ce, malgré des moyens plus humbles.
Press Start présentant les premiers niveaux
« Une pureté de traitement qui permet une immersion sans entrave »
Aux commandes d'une petite créature lointaine cousine des Teletubbies (dommage pour elle), le joueur se balade en nageant dans des cavernes aquatiques tapissées de jeunes pousses qui ne demandent qu'à fleurir ; c'est
notre passage fécond qui permettra de déclencher ces floraisons. Les boyaux sombres et rocailleux s'épanouissent alors en explosions chromatiques accompagnées d'effets sonores scintillants, à mesure que les bourgeons éclosent et que les végétaux se développent. Rien que pour ces
visions hypnotiques vraiment singulières qui n'appartiennent qu'à lui, Undergarden propose déjà une expérience valable.
L'accompagnement musical, assuré par les petits acolytes musiciens que l'on rencontre au détour des niveaux, participe avec délice à la légèreté enchantée de la progression. Ce petit orchestre folk étant la
seule et unique source de musique dans le jeu, nos pérégrinations jardinières sont accompagnées en leur absence par les échos caverneux ainsi que les bruits magiques des éclosions en chaîne. En toutes circonstances, le son émane strictement des éléments réellement présents à l'écran. Au même titre que l'absence d'interface, cette immanence des sons et des éléments visuels contribuent habilement à nous plonger dans les sensations, sans intermédiaire :
une pureté de traitement qui permet une immersion sans entrave.
Un design de pure surface qui limite le plaisir ludique
Si en tant que voyage esthétique et zen, la réussite de ce
plateformer atmosphérique demeure incontestable,
l'aspect strictement ludique paraît quelque peu mis de côté. Undergarden a beau s'assumer en pur jeu cosmétique, producteur de beaux tableaux en mouvement, il est malheureusement beaucoup trop facile et n'offre littéralement aucune résistance. Les seuls obstacles réels sont
les énigmes basées sur le moteur physique : des graines « poids-lourds », bombes ou baudruches permettront de soulever, d'exploser ou de peser sur des plateformes pour sortir de l'impasse.
Ces petites épreuves de réflexion ont beau mettre en avant des mécanismes plaisants, elles ne nous retiennent jamais longtemps. Il est logique qu'elles ne heurtent pas la progression puisque
le titre ne prétend pas être davantage qu'un exercice de relaxation vidéo-ludique. Quand bien même, la frustration demeure au terme de l'expérience, et l'on ne peut s'empêcher de penser que le jeu aurait bénéficié d'être plus difficile. Les développeurs prennent le parti que tout frein à la fluidité et à la succession des belles images, qu'il s'agisse d'énigme ou de franchissement réflexe, est à proscrire. Comme si difficulté et l'extase visuelle entraient en compétition et ne pouvaient pas coexister dans un même projet de jeu. Il est permis d'en douter.
Le
gameplay en lui-même est le point d'achoppement de toutes les contradictions de ce titre : à la fois satisfaisant et trop limité pour marquer les esprits. D'un côté, il contribue à créer une agréable sensation de flottement cotonneux grâce au déplacement par « lévitation », qui induit une gravité très agréable à gérer. C'est également ce
gameplay de déplacement aérien qui permet le bel effet de propagation des couleurs au fil des accélérations aériennes. D'un autre côté, il offre
pour seules possibilités le déplacement du personnage, la captation et la relâche des graines, limitant les interactions avec le décor au strict minimum.
On en fait d'autant plus vite le tour que
les niveaux auront tendance à se ressembler : rien ne rappelle plus une caverne qu'une autre caverne. Par ailleurs, la difficulté inexistante réduit la durée de vie à une peau de chagrin, et
le jeu pourra être bouclé en 4 heures. Même si les fleurs cachées et le système de pourcentage incitent à revenir sur les niveaux, les 10 euros que coûte Undergarden doivent tout de même donner matière à réflexion.
Conclusion :
Undergarden est un titre qui choisit résolument d'asservir tous les éléments de son
game-design au service de son projet audio-visuel. Chacun des éléments du jeu pris séparément pêche logiquement selon des critères de jugement purement ludiques ; mais le pari paye tout de même puisque la forme est belle. Quand bien même il ne propose aucun challenge et ne varie pas vraiment les environnements ni l'action, Undergarden reste une expérience charmante dont les magnifiques compositions en mouvement sauront ravir le joueur saturé de violence, pour peu qu'il soit prêt à dépenser 10 euros pour si peu de temps de jeu.
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