Refrain connu : le hérisson bleu le plus vénal du monde se présente une nouvelle fois sur la ligne de départ pour Sonic Colours, son énième come-back. Mais le jeu chante une autre musique, celle d'une réussite qui renouvelle la licence moribonde.
Éreintée par des versions de qualité régulièrement déplorable, la licence Sonic se lance à bout de souffle dans une énième tentative de restauration de son éclat d'antan. C'est donc avec une certaine méfiance que l'on a abordé ce Sonic Colours, d'autant que la Sonic Team, profil bas, a sorti le titre dans une relative discrétion. Après un Sonic 4 en demi-teinte, bien que plus attendu, quelle ne fut pas notre surprise en découvrant une version éblouissante à de nombreux égards. À notre sens, il n’est pas interdit de voir en cette dernière un nouveau départ plein de promesses pour le futur de la licence.
J’ai failli attendre !
Des menus de présentation au jeu lui-même, le souci de finition omniprésent détache d'emblée ce Sonic des précédents. Détail appréciable, on peut choisir les voix japonaises, qui permettent de restituer le milieu naturel de la série (l’animation japonaise) dans tout son exotisme et son entrain de shōnen. L’histoire n’est qu’un prétexte gentiment anecdotique, mais accompagne de façon appropriée l’expérience de jeu, avec une légèreté assumée. Dans un délire très japonais sur le thème du parc d’attractions, Robotnik/Eggman déboule en ignoble promoteur immobilier inter-galactique. Derrière cette couverture, le fourbe moustachu séquestre en fait les autochtones pour utiliser leur énergie à des fins maléfiques. Bien entendu, le hérisson désapprouve, dont acte !
Le jeu en lui-même se déroule « à côté » de la narration assurée par les cinématiques. On enchaîne d’abord les premiers tableaux à un rythme effréné, sur le fil d’une progression très accueillante, pendant laquelle les niveaux se succèdent en éclats fugaces. Le menu d’entre niveaux est l’occasion de scotcher sur quelques musiques très entraînantes qui entretiennent la légèreté délicieuse du rythme initial sur ses pulsations éléctro (dont certaines nous ont bien entêtées !). La difficulté du titre, comme sa profondeur, se manifeste ensuite très progressivement, l’air de rien ; on finit juste par se dire à un moment : « tiens, je ne passe plus aussi facilement ». Partant de son petit rythme fragmenté en pure gourmandise, le parcours s'étoffe en effet d'une consistance qui n'a eu de cesse de nous captiver par la suite.
« Le parcours classique articule séquences 3D mettant l’accent sur l’ivresse de la vitesse et séquences 2D proposant une plateforme plus minutieuse. »
Ce qui frappe également, c’est la réalisation du titre, proprement incroyable pour la console de Nintendo. Dès ses premiers niveaux, le jeu rayonne grâce à des textures très propres, chatoyantes et esthétiquement cohérentes, agrémentées de radieux effets de particules. En arrière-plan, la vision se complète et s’anime d’une profusion de détails du plus bel effet, portés par un frame-rate au beau fixe. Après Mario Galaxy, Sonic Colours prouve ainsi qu’un développement soigné peut tirer de grandes choses de la Wii. La direction artistique n’est pas en reste, et fait alterner avec bonheur ambiance foraine, espace intersidéral vertigineux et perspectives bucoliques. Au sortir de l'aventure, le jeu laisse une impression de générosité que ne dément pas un gameplay riche, synthétique des meilleures idées des épisodes précédents.
Avec une fluidité exemplaire, le parcours classique articule séquences 3D mettant l’accent sur l’ivresse de la vitesse et séquences 2D proposant une plateforme plus minutieuse. La transition, effectuée par un simple basculement de l’angle de la caméra entre la profondeur et le profil, fait s’enchaîner sans heurt les deux types de gameplay. Les séquences de course extatique héritées de Sonic Unleashed, pleines de loopings, de glissades sur rampe et d’accélérations folles, procurent une impression de vitesse totalement grisante. Plutôt bien réglées malgré quelques imprécisions occasionnelles, elles sont à ce jour la meilleure interprétation en 3D des phases véloces de la licence.
Les passages « de profil » permettent aussi d’entretenir la vitesse, mais proposent surtout de « poser le jeu ». À la façon d’un New Super Mario Bros. ou Super Mario Galaxy 2, dont Sonic Colours adopte aussi la structure générale en mondes et niveaux ainsi que les moments de gravité inversée, les stages contiennent tous cinq étoiles rouges plus ou moins faciles à rassembler. Le joueur qui partira à leur recherche devra attendre de débloquer, monde après monde, tous les pouvoirs « Colours » (d'où le titre). Il s'agit en quelque sorte d'une libre adaptation des power ups de Mario fondus dans un game design propre à Sonic ; pas encore parfaitement intégrés à la grande marche de l'ensemble, ils enrichissent cependant le jeu de nouvelles modalités de franchissement et de lecture des niveaux qui garantissent une belle rejouabilité. Le système de score de fin de niveau, incitation pour les plus hardcore à peaufiner leur trajectoire au maximum, est l'indice d'une durée de vie en « poupée gigogne » qui se dévoile par couches successives pour s'avérer tout à fait satisfaisante au final.
Super Marionic Colours
Cela dit, nous ne tomberons pas dans le pur dithyrambe : le titre demeure entaché de quelques défauts qui pourront entamer la patience des moins flegmatiques. Le joueur chagrin notera un léger manque de précision dans les déplacements, la faute à une petite inertie parfois gênante. Il est également regrettable que l'on évolue toujours sur le même type de plateformes en « matériau de construction » posé sur le décor en arrière-plan, seul véritable élément de changement. Régulièrement de qualité, le level design est parfois moins inspiré : il arrive ainsi que la clarté du parcours et des trajets en soit un peu compromise. De la même façon, certains boss sont un mélange de bonnes idées et de mécaniques de jeu un peu floues. Dans ce petit cortège de faiblesses excusables, on souhaiterait enfin que la direction artistique, qui marque un peu le pas devant l'ampleur de la réfection qui l'attend, s'affirme davantage dans les prochaines itérations.
Mais aucun de ces défauts ne compromet le projet finalement assez ambitieux que nourrit ici la Sonic Team pour le genre plateforme, c'est à dire : proposer l'articulation entre ses deux physionomies opposées. Celle de tradition « Sonic » s'axe depuis toujours sur le pur plaisir de la célérité et la fluidité des enchaînements, avec pour objectif suprême le beau parcours. Celle de tradition « Mario » adopte plutôt une cosmogonie du détail, du franchissement minutieux et de l’exhaustivité de l’exploration. La nouveauté et la grande réussite de ce Sonic Colours, c'est d'avoir réussi l'hybridation entre les deux approches dans le cours d'une même progression. Par sa recherche constante d'articulations et de circulations entre les deux écoles, le titre propose d’incessantes possibilités de passer de l'une à l'autre au gré de l'envie.
L’inventivité et la fougue du mouvement dans lequel il noue les deux facettes génèrent un enthousiasme qui nous a porté, sans faiblir, jusqu’à l’impressionnant dernier niveau. Le level design régulièrement satisfaisant jusque-là, se mue en une brillante récapitulation du jeu comme grand huit cosmique et platformer d’orfèvre. Dans la foulée, les deux approches consomment leur mariage dans un final à la hauteur de nos attentes : les boss de fin qui nous raccompagnent brutalement vers la sortie sont un pur délice pour gamer, agencement de vertigineux franchissements « plate-formesques » dans le souffle d’une course effrénée. Cet épilogue réussi vient ponctuer une aventure qui devient nettement plus difficile dans sa dernière partie, mais dont le gameplay globalement bien réglé récompense les efforts consentis pour en voir le bout par une marge de progression conséquente : c’est le propre des meilleurs jeux de plateforme.
Conclusion :
Réjouissons-nous : le pas timide de la Sonic Team vis-à-vis de son titre n’est pas celui sur lequel se règle le fougueux hérisson dans ce Sonic Colours à la fois très beau et aux mécaniques raffinées. Les quelques approximations qui subsistent dans le réglage de la jouabilité et la personnalité un peu effacée de ce titre ne suffisent pas à ternir notre enthousiasme, tant le game design s’avère satisfaisant au final. Ressourcé aux meilleures influences, il s’invente une structure inédite articulant les deux approches du genre plateforme entre vitesse et exploration posée, et s’offre ainsi un nouveau départ plein de promesses pour le futur.
Le renouveau de Sonic qu'on attendait tous!
Un must-have sur la Wii, une licence Sonic qui revient au pas de course à des vitesses vertigineuses, dans des niveaux sensationnels, oui Sonic est enfin de retour en grande pompe! Ça fait du bien! La Xbox360 et la PS3 en voudraient bien aussi pour le coup!
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