Portage sans éclat d'un chef d'oeuvre du beat'em all, Ninja Gaiden Sigma Plus n'en demeure pas moins un jeu d'action exceptionnel sur Vita.
Emblème du
beat'em all des années 2000, le premier Ninja Gaiden s'était acquis au fil des ans une
réputation de sommet du genre. Pour son
line-up de lancement, la PS Vita accueille sa propre version, un
Ninja Gaiden Sigma Plus qui est aussi la troisième réédition du classique de Tecmo. En l’occurrence, on aurait tort de crier au portage opportuniste : cette version - réussie - offre à la portable de Sony
un jeu d'action de haute tenue, à peine terni par une conversion flemmarde. Amateurs d'action
hardcore, sortez vos lames !
De réédition en remake, de console en console, Ninja Gaiden revient de loin. A l'abord de ce Sigma Plus, remake du Sigma de la PS3, le chaland pourrait légitimement craindre
le programme usé jusqu'à la corde. D'où la surprise : l'aventure n'a rien perdu de son éclat. Son status de chef d’œuvre du genre, Ninja Gaiden le devait à ses combats ultra exigeants et précis, qualités que l'on retrouve intacte sur Vita. Rappelons en les principes, inchangés :
le joueur était et reste le seul maître de son combat qui se structure, dans le détail, entre
combo, esquives et contre-attaque , sans aucun recours possible à de providentiels enchainements incassables ou autres script prémâchant l'action. D'une précision chirurgicale, les séquences de jeu investissent des interstices toujours plus fins sur des timings toujours plus serrés, affutant l'attention du joueur comme une lame. On ne brave les dangers de Ninja Gaiden qu'en plongeant en profondeur dans la densité de ses mécaniques de jeu.
A mi-chemin entre le recadrage automatique et le contrôle manuel, la caméra était le maillon faible de l'épisode PS3 : pas retouchée sur Vita,
elle menace toujours de brouiller et d'entraver l'action. Mais cette survivance un peu gênante d'un
game-design à l'ancienne conserve son attrait paradoxal : une fois ses rudesses domptées, la caméra participe de l'hostilité générale de l’environnement de jeu, sur le mode « seul contre tous ». Pour ceux qui parviennent à maîtriser tous les ressorts de l'action - caméra, espace, combat - la récompense ludique est de taille : chaque séquence réussie procure un sentiment de mérite intense, qui redouble lors des affrontements épuisants contre les boss.
Attention cependant, ce
gameplay exhortant à l'exploit permanent n'est pas sans revers :
il faut, encore, une certaine dose de masochisme pour apprécier ce titre, qui n'admet pas plus l'approche dilettante que les précédentes versions. Un nouveau mode facile permettra bien aux moins patients de voir le bout de l'aventure au prix d'un pouvoir abusé qui rend invulnérable à l'approche de la mort - rien de tel pour passer à côté de la substance du jeu. A l'autre bout du spectre, le mode difficile est en revanche disponible d'office,
un ajout de bon goût qui permet aux vieux briscard d'escamoter la corvée d'un premier
run en normal.
Modèle de fluidité sur PS3, Ninja Gaiden Sigma s'appuyait sur une réalisation irréprochable. Fort heureusement,
le portage sur Vita ne change pas la donne outre mesure : les animations ont conservé leur mordant, soutenues par un
frame rate constant. Quelques indices trahissent pourtant une conversion à la va-vite : loin des 60 images par secondes de la version PS3, l'action se heurte à
d'occasionnels ralentissements dans les environnements les plus chargés. Autres coups de rabots notoires, les modèles et textures ont été revues à la baisse et les chargements dans une même zone subsistent, stoppant parfois l'action en plein vol.
En d'autres terme, ce portage aux airs d'émulation n'est pas une révision de copie, mais bien une conversion sans effort - ni d'amélioration, ni d'optimisation. Le plus gênant dans l'affaire vient surtout de la dureté des sticks de la PS Vita, qui
ne permettent pas toujours la précision requise par l'action. Malgré l'absence d'ajustement de la sensibilité que la Vita appelait à grands cris, la maniabilité s'adapte tout de même assez naturellement aux contrôles de la machine : on y retrouve ses vieux réflexes d'antan sans trop de frustrations. Nouveauté sympathique, le contrôle tactile propose de renforcer la puissance des sortilèges en appuyant en rythme sur la face arrière de la console ; l'option tactile se rate par contre totalement lors des séances de tir à l'arc en vue subjective : trop imprécises et intrusives dans le flot de l'action, on leur préfèrera définitivement la visée automatique.
Les qualités esthétiques du titre restent, elles, inchangées : si les niveaux alternent entre environnements magiques et ratages un peu kitsch, le voyage a conservé tout son charme d'origine. Du dojo retranché dans les montagnes au temple Inca alliant le feu et la glace, la progression a l'ampleur des grandes aventures, parsemée de fulgurances mémorables. Les vétérans auront en outre le plaisir de revisiter l'intégralité des 19 chapitres de la version Sigma - y compris les missions anecdotiques de la
bombastic Rachel - qui prolongent le solo sur plus d'une dizaine d'heures de jeu... sans compter les
76 missions bonus dont la difficulté piquera même les fans plus hardcore : les plus courageux d'entre vous y affronteront des hordes d'ennemis en arène, dans un de ces
skill-check jusqu’au-boutiste dont la série à le secret. Avis aux amateurs...
Dès son lancement, la PS Vita se dote avec Ninja Gaiden Sigma Plus d'un jeu d'action exceptionnel. Si le portage technique - sans nouveauté ni optimisation - laisse planer le doute d'une conversion routinière, cette nouvelle version n'en rappelle pas moins à la modernité du jeu original, dont les combats survoltés n'ont pas pris une ride. Ils sont le cœur battant d'une aventure ponctuée de fulgurances et d'environnements mémorables, sur le fil d'un challenge dantesque. Sans transcender l'original, cette nouvelle mouture reste une belle occasion de (re)découvrir un classique, tout en brigant - sans effort et de loin - la couronne du meilleur beat'em all sur portable.
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