Après un Dead Space de grande classe à défaut d’être révolutionnaire, Electronic Arts caresse une nouvelle fois le gamer dans le sens du poil avec Mirror’s Edge. On connaissait le jeu de plateforme. On connaissait le First Person Shooter. On connait maintenant le Parkour game, sorte de mélange entre les deux servant de base au titre de l’éditeur américain. Nouveau concept, aspect visuel aguicheur, le dernier bébé des développeurs de la série Battlefield a tout d’un grand. Incarnons donc la belle Faith, impliquée dans une histoire politico-dramatico-familiale qui la mènera aux quatre coins d’une cité aux prises avec le totalitarisme et la manipulation des informations. Qui croire ? Réponse dans ce VidéoTest réalisé à toute vitesse.
Scénario : Luc Besson
Pour faire court, disons que dans cette fameuse ville, dont on ne connait pas le nom, l’information souffre d’un tel niveau de contrôle que les quelques opposants au système despotique imposé aux citoyens ont recours aux
runners. Ces messagers parcourent la ville en utilisant les moyens du bord, souvent en altitude, assurant les transferts de données entre leurs clients de manière rapide et sûre. Le meurtre d’un politicien vient alors bouleverser le quotidien de Faith, messagère au sang chaud. Sa sœur jumelle est impliquée, et il va falloir dénouer ce sac de nœuds pour comprendre à qui incombe la responsabilité de cette évidente machination. Le scénario est convenu et les dialogues souvent rendus risibles par un doublage français assez pauvre, qui en fait souvent trop. Les séquences en dessin animé intervenant entre chaque mission diviseront sans doute les foules, à cause de leur esthétique spécifique et de leur utilité dans l’histoire. Disons simplement qu’elles ne paraissent pas vraiment bien adaptées aux transitions qu’elles véhiculent. Les rebondissements sont loin d’être exceptionnels, utilisant au final assez peu l’excellente toile de fond sur laquelle repose l’histoire. Un bon pitch pour une histoire ratée, en somme…
VidéoTest de Mirror's Edge
S’il nécessite un temps d’adaptation certain, le
gameplay de Mirror’s Edge constitue son premier véritable atout. Sauter, glisser et grimper paraissent évident une fois le tutoriel effectué, et ce malgré les choix aussi étranges que judicieux de DICE (L1 pour sauter, L2 pour se baisser). Les objectifs sont prétextes, le but étant au final toujours le même : trouver l’issue du niveau en utilisant les éléments du décor pour aller toujours plus vite. La vue intérieure proposée par le jeu est d’ailleurs d’une efficacité redoutable, contre toute attente serait-on tenté d’écrire. C’est une fois l’allure et les différents enchainements maitrisés que l’on constate l’effort fourni par DICE pour adapter sa réalisation à son
gameplay. Les niveaux sont presque tous intelligemment architecturés, offrant un panel de situations variées jamais lassantes, même si chacun aura ses préférences. Les couloirs et autres conduits de ventilation étroits succèdent aux environnements extérieurs un peu plus ouverts, même si globalement le jeu reste très dirigiste. De liberté, il n’est pas vraiment question dans Mirror’s Edge, qui joue avec l’espace comme d’autres manipulent le temps. On n’est pas libre, mais on l’ignore, tant la grisante vitesse à laquelle on enchaîne les obstacles empêche toute volonté de sortir du sentier battu.
Un Faith-tival de respawn
Alors oui, bien sur, ceux qui espéraient un monde ouvert à la Assassin’s Creed risquent d’être déçus. Mais qu’importe. Les joueurs désireux de s’immerger dans le monde de Mirror’s Edge seront inévitablement séduits par le
gameplay exigeant du titre. Si on est tenté de parler d’imprécision concernant la jouabilité, force est de reconnaître que le titre de DICE renoue avec certaines valeurs perdues ces derniers temps. Là ou l’aventure d’Altair nous ramollit le pad à force de rattraper nos erreurs, Mirror’s Edge nous pousse à maitriser ses possibilités au pixel près ou presque. D’aucun pourrait considérer le jeu frustrant, en évoquant les nombreux retours au dernier point de contrôle après un saut mal négocié. Considérez cela comme de l’apprentissage. Les plus doués d’entre vous pourront d’ailleurs jouer les cadors en comparant leurs chronos sur le net, d’étonnantes performances étant déjà réalisées par nos amis américains qui ont trois jours d’avance sur nous. Mais l’intérêt et le plaisir procuré par le jeu n’est pas tellement dans la performance chiffrée. Plutôt dans l’accomplissement de soi-même. Cette formulation, un peu pompeuse il est vrai, témoigne en fait d’un ras le bol des passe-droits que l’on octroie au joueur dans les productions actuelles. Car non, mourir n’est pas un problème dans un jeu vidéo.

D’autant que l’immersion est étonnante. Une vue intérieure, quelques bruitages biens sentis et une impression de vitesse bien rendue suffisent à nous plonger corps et âmes dans cette quête sans but précis. On oublie ainsi rapidement les objectifs prétextes pour nous concentrer sur nos enchainements, les scènes calmes et posées succédant avec brio aux courses poursuites ou regarder derrière soi est interdit, offrant à l’ensemble un rythme savamment dosé. La bande son est magnifique, et même si les pistes musicales ne se lancent pas toujours au bon moment l’ensemble est d’une cohérence assez ahurissante. Après un Dead Space ébouriffant dans ce domaine, EA prouve une nouvelle fois que sa maitrise technique est au top des productions actuelles. Graphiquement, Mirror’s Edge est très propre, en adéquation parfaite avec l’aspect épuré d’un design émaillé de couleurs vives au rendu épatant. La gestion de la lumière est impressionnante, les différents moments de la journée étant retranscrits en autant de nuances lumineuses. Dommage qu’aucune vraie mission de nuit ne nous soit proposée ; on aurait aimé se diriger à l’aide des lumières des buildings et autres sorties de secours... En définitive, si on excepte quelques
bugs visuels et un
aliasing assez prononcé, le titre de DICE en impose visuellement. Ça fleure bon la maitrise technique caractéristique d’Electronic Arts.
De l’autre côté du miroir
Mirror’s Edge est cependant loin d’être parfait. Outre le scénario basique et les quelques problèmes techniques évoqués précédemment, d’autres écueils émaillent notre progression jusque là très réussie dans le monde de Faith. Perturbante est la progression empirique offerte par le jeu. Peu aidé par une «
runner vision » affichant parfois avec retard les éléments interactifs du décor, il peut être lassant pour le joueur d’être perdu dans un environnement pourtant pas tellement ouvert. Il faut aimer tâtonner, essayer, rater. Agaçant est parfois le dirigisme forcené du jeu, créant quelques situations étranges où la construction des niveaux prévaut sur le réalisme (de façade, certes…) d’une disposition d’objets aléatoire donc cohérente, nuisant d’autant à l’immersion. Carrément barbants sont les combats, rigides et mous à souhait. On utilisera le second pouvoir de Faith, celui de ralentir l’action le temps de quelques secondes, pour faciliter nos joutes contre ces clones décérébrés, mais globalement les affrontements ne sont guère ragoûtants. Pire, la possibilité de ramasser les armes de nos adversaires s’avère être plus problématique qu’autre chose, la visée étant particulièrement foireuse et les tirs mal gérés. On préférera donc fuir nos opposants, cette alternative n’étant pas toujours bien acceptée par le jeu. On pourra ainsi mourir en une fraction de seconde si l’IA juge que nous enfreignons ses règles. Frustrant…
Conclusion
Fort de son concept novateur et de sa réalisation classieuse, DICE semble avoir oublié qu’il ne suffisait pas de deux ingrédients pour faire un met exceptionnel. Si on passe outre les quelques bugs d’affichage, les clones bêtes et méchants qui nous servent d’adversaires et la liberté de façade, difficile de pardonner un scénario aussi creux que Wii Music, des combats au corps à corps rigides et imprécis au possible pour une durée de vie totale assez limitée. Mais si Mirror’s Edge est court et dirigiste, il offre un panel de sensations jamais ressenties de cette manière dans un jeu. Vertige, stress, effort et vitesse paraissent ici plus vrais que nature, et en ce sens EA réussit son pari : celui de nous faire tripper comme des dingues pendant 6 à 8 heures, grâce à une réalisation détonante mise au service d’un
gameplay plus exigeant qu’il n’y paraît.
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