Test de La Terre du Milieu : L'Ombre du Mordor sur PlayStation 4
Pour sa première incursion sur les nouvelles consoles, la licence Seigneur des Anneaux s'offre un titre accrocheur et dynamique.
Le titre met en scène Talion, capitaine de la Porte Noire exécuté par les armées de Sauron, avec femme et enfant. Refusé par le Royaume des morts, il revient donc en terre de Mordor pour faire sa propre justice, non sans subir les affres d’un dédoublement de personnalité spectral. Son alter ego fantomatique n’est autre que Celebrimbor, l’Elfe qui a forgé les anneaux responsables du gros souk de départ. Il s’agira d’aider cet amnésique à retrouver ses fragments de mémoire, et mener Talion, désormais immortel, aux portes de l’assistant personnel de Sauron. Rien de bien original en termes de développement, la platitude des enjeux cinématiques n’ayant d’égal que la maestria de leur mise en scène. C’est bien raconté, mais c’est plat, à l’image de Talion qui aurait bien mérité une louche supplémentaire de points de charisme. N’est pas Viggo Mortensen qui veut.
Vidéo-Test de L'Ombre du Mordor
Le gameplay a heureusement un peu plus de personnalité, Monolith ne se contentant pas de réutiliser les recettes éprouvées de la concurrence. La dualité du héros lui permet de mélanger talents de rôdeur et pouvoirs spectraux, offrant un panel évolutif de possibilités particulièrement riche malgré un seul bouton d’attaque. Le héros se bat avec les armes classiques du genre – épée, dague, arc – qui gagneront chacune à être améliorées grâce aux runes trouvées sur les ennemis, mais profitent également des talents de Celebrimbor. La visée à l’arc arrête temporairement le temps et l’épée gagne en puissance après quelques coups portés sans être touché. La lueur bleue qui orne alors l’arme permet de réaliser un coup spécial, dont la liste s’élargit elle aussi à mesure que l’on progresse.
L'arbre de compétences est fourni et motivant : le gameplay action plutôt basique des premières heures de jeu cède donc peu à peu la place à un éventail riche de possibilités laissées à la discrétion du joueur. Celui-ci pourra décider d’isoler les troupes qu’il affronte, les contourner, en encore en rallier quelques-uns à sa cause, tout en improvisant à chaque fois avec les possibilités offertes par le lieu visité. Les deux cartes dessinées par les développeurs ne sont pas très vastes, mais proposent quand même un peu de relief et quelques constructions intéressantes, quoique toujours très vétustes. Monolith évite de s’embarrasser avec la déco intérieure, mais prive du coup son cadre d’un peu de variété salutaire. En dehors des champs désertiques ou herbeux et de quelques (rares) cavernes, point de salut.
Notons d’ailleurs la dichotomie surprenante des deux espaces de jeu proposés. Aride et dévasté, le premier n’offre que très peu de points d’accroche visuellement séduisants, contraignant le joueur à attendre la deuxième moitié de l’aventure pour enfin profiter d’une direction artistique soignée. La vallée verdoyante présente effectivement plus d’attrait, notamment quand la lumière se fait éclatante. Sous la pluie ou en pleine nuit, suivant un cycle décidé par Monolith, Mordor perd tout intérêt visuel et fait ressortir sa technique limite, entre affichage tardif et (légers) bugs de collision. Des soucis que l’on ignore volontiers quand un rayon de soleil vient frapper la magnifique cape en lambeaux de Talion, alors qu’il chevauche un Caragor pour aller chasser le Graug (une des meilleures séquences du jeu). Pour une fois, variété ne rime pas avec intérêt.
Ce qui fonctionne à plein, c’est quand on commence à mettre en place sa propre armée d’infiltrés dans la deuxième partie de l’aventure. On voit nos petits gars progresser (ou se faire exécuter) en tentant de nous aider, et cela nous les rend éminemment sympathiques malgré leurs faces putrides et décharnées. Devoir obtenir des renseignements sur chacun pour connaitre ses points forts et faibles a également de l’intérêt, d’autant que cela influe sur le gameplay : on utilise effectivement nos pouvoirs et capacités en fonction des préférences des ennemis majeurs qui peuplent la carte plus ou moins aléatoirement. Une bonne idée pour obliger les joueurs à utiliser l’intégralité des possibilités de jeu, et donc de le pousser à boucler les dizaines de missions et activités annexes disponibles, offrant expérience et améliorations d’arme.
Le Nemesis génère aléatoirement les antagonistes, en permettant à n’importe quel mob de base de prendre du galon en vous glissant le coup fatal. Ce système de noms, d'équipements et de points forts / points faibles laissés au hasard offre des possibilités infinies, mais empêche en contrepartie toute profondeur de caractère et toute évolution de comportement. Quand on voit comment Monolith a bazardé le boss de fin, on se dit que ce n’est peut-être pas si grave ! Certains regretteront malgré tout ce côté générique des ennemis, alors même qu’ils bénéficient tous d’une mise en scène d’un kitsch étonnant (ralenti sur l’Orque et voix scandant son nom).
Que l’on tire sur une ruche ou que l’on ouvre une cage pour faire survenir ces évènements, ou bien qu’ils adviennent par hasard, ce sont de petites histoires qui semblent être contées sous nos yeux. C’est donc un peu en dehors des clous, dans la partie organique pas vraiment contrôlée par les développeurs que L’Ombre du Mordor gagne ses galons de bon jeu d’action / aventure, le rapprochant (toutes proportions gardées, évidemment) d’un Red Dead Redemption en quelques occasions. Que l’on rush le scénario en moins de dix heures ou qu’on en prenne le double pour boucler l’intégralité des activités annexes, Mordor laisse presque toujours la porte ouverte à l’inattendu, et c’est ce qui fait son charme, malgré le manque certain de caractère de son héros, de son histoire ou de ses environnements.
Critique réalisée à partir d'une version Playstation 4 finale (et patchée)