Metal Gear Rising : Revengeance est un très bon spin-off qui ne dénature pas la globalité de l'univers de Hideo Kojima.
Promis à un destin funeste – et même annulé pendant un temps – dans les pattes de Kojima Productions, Metal Gear Rising : Revengeance a logiquement été confié au développeur
es-
beat’em all de l’archipel nippon, Platinum Games. Le studio d’Inaba-san a pris à cœur son rôle de pompier en insufflant l’allant qu’on lui connait à la promesse de départ effectuée il y a près de quatre ans. C’est à peu près le temps qu’il a par ailleurs fallu aux ayatollahs de la licence Metal Gear pour accepter l’idée de ce
spin-off pas si délirant mettant en scène Raiden, héros androgyne de Sons Of Liberty (re)devenu tueur sanguinaire.
C’est à partir de l’E3 2007 et le
superbe trailer de Metal Gear Solid 4 : Guns Of The Patriots que certains se sont pris à rêver d’
un jeu centré sur le Raiden nouveau, celui qui a troqué son air candide de MGS2 contre un costume de cyborg surboosté aux nanomachines. C'est désormais chose faite avec Revengeance, qui plus qu'
un spin-off de Metal Gear s'affirme comme un Platinum Games pur jus. Après Bayonetta et Vanquish, le studio nous livre une fois encore un jeu d'action dynamique et spectaculaire dont le
gameplay constitue évidemment la moelle épinière.
Comme Altair/Ezio/Connor, Raiden peut activer son
mode course en maintenant R1/RB. Cela lui permet d'aller plus vite, de parer les balles, d'escalader automatiquement les éléments qui le permettent voire de tacler les ennemis. On abusera évidemment de cette possibilité pour se donner un peu d'air voire éviter les coups, au moins jusqu'à ce que l'on obtienne la capacité d'esquiver : il n'est
pas question ici d'un bouton à presser pour parer automatiquement les attaques adverses, Platinum préférant faire appel à votre sens du rythme.
Le
Parry, qui vous demande d'appuyer sur carré/X tout en inclinant le stick gauche dans la direction de l'ennemi sur le point de frapper, est finalement la seule manière de se protéger. Le système ne fera certainement pas que des heureux, d'autant qu'il montre rapidement ses limites dans les lieux exigus où
la caméra n'est jamais idéalement placée, mais il a le mérite de complexifier un minimum un
gameplay qui aurait tourné à la boucherie pure sans cela. Il est qui plus est difficile de s'en passer, la plupart des boss requérant son utilisation permanente. La réussite de la manœuvre garantie bien souvent
une contre-attaque démentielle sur le larbin désemparé que l'on vient de rembarrer : une récompense qui nous pousse bien sur à ne pas marteler les touches d'attaque « en espérant que ça passe ».
Pour le reste, Revengeance se veut
un beat'em all plutôt complet : attaque normale et forte, armes secondaires, enchainements aériens, personnage dont on améliore les caractéristiques au fil du temps... La plus-value est évidemment apportée par le
Blade Mode, que l'on active en maintenant la touche R1/RB. En plein milieu d'un enchainement, l'action ralentie et nous permet d'
orienter la lame de Raiden comme on le souhaite pour trancher les segments vitaux des ennemis. Bras, jambes, têtes et protections font ainsi les frais de cette débauche d'énergie riche en sensations. En pleine action, les arbres, caisses, voitures ou même piliers qui constituent le décor en font également les frais malgré
un décorum bien souvent réduit à sa plus simple expression.
C'est d'ailleurs
l'une des déceptions de ce Revengeance : au top dans Vanquish, la construction des niveaux n'a pas ici bénéficié d'un travail particulièrement remarquable. Platinum s'est en effet contenté d'offrir
des zones de jeux souvent larges permettant toutes les galipettes d'une mécanique de combat virevoltante au détriment d'une interactivité poussée avec celles-ci. Plutôt que de découper l'environnement à notre avantage, il faudra se contenter de la grande variété des enchainements pour renouveler l'action, plutôt classique dans son déroulement durant les deux tiers de l'aventure. C'est
rapide, fluide et classieux, mais on sent malgré tout que le concept de découpe totale aurait pu être un peu plus poussé de ce côté-là.
Raiden dépasse malgré tout George Abitbol en terme de style dès qu'il atteint le cœur d'un ennemi en
Blade Mode. Une pression sur Rond, et voilà que le blondinet
déchire la colonne vertébrale de son opposant pour un Zandatsu ronflant. Le héros pose alors, le temps d'un instantané face caméra, avant d'éclater le précieux reliquat bleu fluo. L'action a surtout le mérite de recharger entièrement les barres de vie et de
Blade Mode de Raiden, en plus d'être plutôt récompensée par le système de
scoring qui sanctionne chaque échauffourée ; il n'y a donc aucune raison de s'en priver.
Des possibilités d'attaque variées, dynamiques et diablement classes, une défense vraiment efficace bien que délicate à réussir à 100% : Metal Gear Rising dispose d'
un gameplay accrocheur et met sans arrêt votre maitrise de ses spécificités à l'épreuve. Les différents types d'ennemis - plus ou moins gros, plus ou moins résistants ou dangereux, plus ou moins humains - disposent en effet chacun de leur propre façon d'attaquer, une même méthode ne pouvant pas vraiment être appliquée tout au long du jeu pour s'en sortir. On ne parle évidemment pas ici des
quelques tentatives de recyclage de Platinum, coutumier du fait et qui réutilise ici sans scrupule quelques-uns de ses ingrédients.
Rising nous pousse ceci dit sans cesse à déployer tout l'arsenal offensif et défensif dont Raiden dispose pour ne pas enchainer les
Continues, avec les combats de Boss en point d'orgue d'
une difficulté globalement assez corsée. Chacun d'entre eux a sa propre façon de se battre - et donc d'être battu -, ce qui nous en apprend chaque fois un peu plus sur les possibilités de jeu. Le finish, s'il ne plaira certainement pas à tout le monde tant il tranche avec les habitudes de Metal Gear au niveau du ton, est néanmoins
la conclusion parfaite de la rythmique gameplay, puisque chaque possibilité devient alors utile à un moment ou à un autre.
Une fois le jeu bouclé, après
sept heures d'efforts en mode normal (sans se presser), on a forcément une grosse envie de recommencer le jeu, fort d'une nouvelle expérience nous permettant d'aborder l'action sans complexe. On peut alors faire fi des
quelques possibilités d'infiltration, pas fondamentales mais bien utiles pour se débarrasser facilement d'un ou deux ennemis avant de déclencher l'alerte, se lâcher grâce aux armes secondaires débloquées ou encore encaisser plus de coups avec notre barre de vie presque doublée en New Game +.
Le système de
scoring sévère sera peut-être une autre raison de s'y remettre, tout comme
le mode de difficulté Revengeance qui parfera votre calvitie touffe après touffe. En dehors de ces quelques prétextes pour redécouper des malheureux avec rage, ce Metal Gear propose de base
une vingtaine de missions VR réparties en différents thèmes : action pure, infiltration, armes secondaires ou plateformes mettront vos réflexes à rude épreuve, tant certaines sont difficiles ne serait-ce qu'à boucler sans se soucier du temps. Essayer d'obtenir la médaille d'or tient alors de la gageure, assurant quelques heures de Revengeance en plus à ceux qui jugent aussi les jeux vis à vis de leur porte-feuille.
Rising n'a pas uniquement piqué ce mode supplémentaire à la série dont il reprend l'univers. Les clins d’œil sont nombreux, de
la boite en carton pour s'infiltrer aux posters de
playmates affriolantes en passant par le Metal Gear Ray que l'on expédie au début de l'aventure. Le scénario tourne également autour de thématiques chères à la série - Sociétés Militaires Privées, identité - sans pour autant tisser de lien ténu avec Guns Of The Patriots, dont Revengeance est pourtant la suite chronologique.
Les touches d'humour propres aux créations de Hideo Kojima tiennent ici aussi une bonne place : Raiden qui philosophe avec un chien cyborg ou s'équipe d'un combo poncho/sombréro pour s'infiltrer au Mexique fait son petit effet comique, à défaut de contrebalancer une tension scénaristique qui se veut assez minime.
Le scénario et sa mise en scène ne sont pas déplaisants, mais
l'enjeu dramatique n'atteint jamais ici l'intensité d'un Metal Gear chiffré. N'est pas Hideo Kojima qui veut, en somme. Les antagonistes restent shootés au charisme (Sam, quelle classe) et malgré un grand méchant qui divisera comme un certain Volgin en son temps, la galerie de personnages reste intéressante, en cinématique ou au détour de discussions accessoires à l'aide du codec. On apprécie d'un côté que
ce spin-off ne phagocyte pas la timeline des Metal Gear canoniques, mais les purs et durs de la série auraient sans doute souhaité une plus grande implication de cet épisode dans la série. Difficile de tout avoir ; au moins Platinum Games n'a rien gâché.
C'est un peu moins le cas au niveau de la réalisation. Si
Raiden jouit d'une modélisation irréprochable et d'animations à décoller la rétine, les décors n'ont malheureusement pas bénéficié du même soin. Textures un peu baveuses, décors très vides, direction artistique souvent grise et terne : on apprécie la fluidité permanente de l'action, moins le rendu général des environnements, très classiques dans le fond (bureaux, égouts, laboratoire, rues) comme dans la forme. On pourrait également redire sur
la bande son, un peu « rock soupe au lait » comme souvent dans le genre, mais assez peu en phase avec les sonorités souvent inspirées de la série d'origine. Platinum a appliqué sa propre recette à ce niveau, et malgré quelques montées en puissance bien senties, le résultat est globalement mitigé.
Près d’un an après sa sortie sur PS360, Metal Gear Rising s’offre enfin une sortie sur PC. A
moins de 20 euros le 1080p, propre et assez bien optimisé (il tourne parfaitement sur notre i7 2600@3.4 GHz, GTX 560 Ti) et avec
quelques DLC offerts, les joueurs PC munis d’une manette auraient torts de se priver de ce jeu d’action toujours aussi dynamique et jouissif. Bien sûr, le fossé entre les superbes personnages et les très pauvres décors est accentué par cette nouvelle résolution, mais l’intérêt de Metal Gear Rising est ailleurs.
A
soixante images par seconde, le show est toujours au rendez-vous, et c’est bien le principal. Il faudra néanmoins oublier le combo clavier/souris, fonctionnel mais loin d’être optimal pour enchainer les parades/ripostes et correctement caler la caméra, qui a toujours autant tendance à s’emballer dans les lieux exigus. A noter que l’utilisation du
code Konami à l’écran titre (on entend Raiden prononcer le nom du jeu) débloque d’emblée tous les DLC et les niveaux de difficulté, permettant aux joueurs chevronnés de tenter directement l’expérience la plus relevée sans terminer le jeu au préalable.
Contenu, technique, gameplay : MGR est soigné sur PC
Jetstream Sam, doté d’un double saut et d’une attaque concentrée, comme Blade Wolf et ses couteaux de lancer ou encore les
quelques missions VR supplémentaires, apportent le contenu qui manquait à l’original : sur PC comme sur consoles, Metal Gear Rising Revengeance est
un jeu d’action indispensable pour qui goutte à la verve Platinum Games.
Sous son habillage Metal Gear, Rising reste un Platinum Games pur jus. Comme Vanquish, il n’est pas un produit idéalement calibré pour les consommateurs de jeu mais plus un diamant brut que les joueurs investis arriveront à tailler de la manière qui leur plait. Perfectible, Revengeance l’est certainement. Dynamique, nerveux, jouissif et parfois drôle aussi. Certains attendront un repositionnement tarifaire ou son arrivée en occasion, d’autres se jetteront dessus au prix fort : quoi qu’il en soit,
day one ou dans deux ans, Metal Gear Rising : Revengeance restera la meilleure simulation d’artisan boucher sur consoles, et donc un jeu d’action largement recommandable pour les joueurs à qui le style Platinum ne file pas d'urticaire. Si on n'évite pas quelques soucis récurrents chez le développeur japonais, comme la campagne bien vite expédiée ou une certaine tendance au recyclage, on n'échappe pas non plus à son savoir faire chirurgical en matière de
gameplay. Non seulement Revengeance ne perverti jamais la licence dont il est issu, mais il lui apporte un nouveau souffle dont Kojima Productions pourra s'inspirer à l'avenir. On appelle ça un très bon
spin-off.
Images tirées de la version PC
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