CyberConnect2 déclare sa flamme à Jojo avec un jeu de baston solide et surtout bourré de clins d'oeil à l'oeuvre d'Araki.
En dépit de son extraordinaire longévité - la série est toujours en cours de parution depuis 1986 - Jojo's Bizarre Adventure n'est pas l'oeuvre qui fédère le plus de fans en France et pourtant Namco Bandai s'est décidé à commercialiser All-Star Battle. Pourquoi ? Peut-être parce qu'en dehors de la fidélité - pour ne pas dire du fanatisme - avec laquelle le studio de Fukuoka s'est employé à rendre hommage à l'oeuvre d'Araki, Jojo's Bizarre Adventure : All Star Battle est aussi un bon jeu de baston en mesure de séduire les passionnés du genre.
N'importe quel fan de
shônen autre que Jojo ne peut qu'être envieux de
l'immense respect témoigné par CyberConnect2 à l'oeuvre de Hirohiko Araki avec cet All-Star Battle. Après cinq années de bons et loyaux services sur la licence Naruto - elle aussi traitée avec tous les égards qu'elle mérite - le studio a semble-t-il gagné le droit de travailler sur sa série de cœur. Une supposition largement appuyée par le foisonnement de clins d’œil distillés et le soin maniaque apporté par les équipes de Hiroshi Matsuyama sur ce titre. Visuellement, le choix d'une 3D au rendu crayonné est parfaitement sensé tandis que les excellentes animations des différents personnages et la mise en scène de leurs plus puissantes attaques font honneur à leurs modèles sur papier ou animés.
Qu'on se le dise,
ASB est avant tout un titre à destination des fans de Jojo. Cela sonne peut-être comme une évidence, mais compte tenu de la relative confidentialité du manga dans nos contrées, seuls les fidèles de la première heure et autres dévoreurs de
scantrads seront en mesure d'apprécier jusqu'aux plus subtiles références glissées çà et là. Pour un fan, Jojo se présente donc comme le jeu hommage tant attendu.
Mais au-delà de ça, il s'agit aussi d'un jeu de baston suffisamment sophistiqué pour intéresser les amateurs du genre ignorant encore tout de son univers. On connaissait jusqu'ici le talent de CyberConnect2 pour assurer le spectacle, pas forcément pour la concoction de
gameplay typés 2D. C'est que le studio est allé à bonne école en
empruntant la plupart de ses mécaniques aux cadors du genre, de Street Fighter IV à BlazBlue.
Dans un style relativement proche à celui de Street Fighter IV, Jojo oppose deux larrons sur un même plan avec ceci dit la possibilité d'effectuer des petits pas de côté. Le système de jeu s'architecture autour de trois niveaux de coups - faible, moyen et fort - donnant lieu à des
chain combos dans la veine de ce que proposent les titres d'Arc System Works. Des fondamentaux qui s'assimilent sans peine, encore que
la lourdeur des personnages et la pauvreté du jeu aérien pourront en rebuter certains.
Bien évidemment,
les possibilités plus avancées sont également de la partie. Et, pour en faire des tonnes, chaque personnage peut compter non seulement sur sa jauge de
Heart Heat mais aussi sur son
Style. La jauge de
Heart Heat est, grosso modo, l'équivalent d'une jauge de
Super dans Street Fighter IV. Elle peut stocker trois niveaux de puissance et chaque protagoniste dispose de deux techniques redoutables puisant dans celle-ci : la
Heart Heat Attack, nécessitant une jauge, et la
Great Heat Attack en consommant deux. Cette jauge conditionne également l'utilisation du
Puttsun Cancel qui, au prix d'un niveau, permet d'annuler la suite d'un coup , afin de prolonger un combo ou d'éviter la punition s'il a touché en garde. Toutes ces mécaniques - et quelques autres subtilités qu'il serait assommant de lister - concourent à forger un
gameplay certes classique, mais aussi accessible et suffisamment ouvert pour susciter l'envie de creuser le titre en profondeur.
Mais venons-en maintenant à la question du
Style. Dans l'univers de Jojo, certains protagonistes clefs sont accompagnés d'un
Stand, manifestation physique de leur puissance de combat, et d'autres non. Les uns peuvent donc compter sur le renfort de cette entité pour enrichir leur liste de coups spéciaux tandis que les autres disposent de spécialités propres, au premier rang desquelles
le Hamon (ou Onde en français), une énergie partagée par une poignée de personnages et offrant de précieuses techniques (coups améliorés façon EX, garde renforcée ou encore charge de la jauge de
Heart Heat). Enfin, il existe d'autres
Styles, tel le vampirisme, le mode ou l'utilisation d'un cheval, encore plus spécifiques à certains personnages.
Stand,
Hamon et autres capacités spéciales sont assignés à une seule et même touche et offrent une grande variété de personnages.
C'est d'ailleurs là
le principal point fort de Jojo, mais aussi l'une de ses faiblesses. Cette grande richesse de styles semble avoir un peu dépassé CyberConnect 2 qui n'a pas vraiment réussi à équilibrer les forces en présence. On pense notamment à Diavolo qui peut interrompre un combo adverse quand ça lui chante, à DIO qui peut arrêter le temps et immobiliser son adversaire qui se retrouve alors à son entière disposition et, à l'exact opposé, à des personnages franchement démunis comme Iggy, Rohan, Kawajiri et d'autres. Certes, ces disparités ont d'ores et déjà été réduites par des patchs successifs, mais elles demeurent malgré tout ancrées dans l'ADN du jeu. Les plus volontaires pourront toujours s'échiner à maîtriser un
low-tier, mais il faut bien admettre que certains d'entre eux peinent à séduire. A moins d'être un fan, une fois de plus.
Cet All-Star Battle a donc
un côté généreux mais foutraque que les initiés à l'oeuvre d'Araki lui pardonneront plus volontiers. Un trait de caractère qui s'illustre également à l'écran : les coups les plus improbables fusent, la mise en scène ne manque pas de folie, les effets visuels en mettent plein les yeux, le tout dans des décors théâtres d’événements pouvant survenir aléatoirement. Cela peut être une voiture qui déboule d'une rue adjacente, des éclairs frappant l'aire de combat ou encore un lustre s'écrasant au sol. Des « accidents » qui compensent en partie le manque de vie en arrière-plan.
Généreux, le titre l'est en revanche beaucoup moins quand on se penche sur les modes proposés. Aux côtés des indéboulonnables modes
Arcade et
Entraînement, les modes
Histoire et
Campagne semblaient plein de promesses. Malheureusement, l'
Histoire n'est qu'une succession de combats encadrés par des dialogues figés, tandis que
le fameux mode Campagne est toujours l'occasion pour Namco Bandai d'essayer de gratter quelques euros supplémentaires à l'acquéreur du jeu. Pour rappel, ce mode, qui permet notamment de gagner des éléments de personnalisation, est un
pay-to-play forçant le joueur à poireauter un certain temps avant de pouvoir reprendre sa partie. L'alternative ? Payer, bien entendu.
Bien qu'il se destine avant tout aux fans de l'oeuvre d'Araki, Jojo's Bizarre Adventure : All-Star Battle a le mérite d'être un jeu de baston respectant assez scrupuleusement les règles de l'art, exception faite d'un équilibrage encore perfectible et d'une lourdeur des déplacements franchement pénible. Assez simple à appréhender pour le débutant, il offre, avec de la pratique, assez de subtilités à maîtriser pour les passionnés de ce noble art. Du respect, le titre de CyberConnect2 en a aussi à revendre pour le travail d'Araki. Qu'il s'agisse de son parti pris visuel extrêmement soigné, ses clins d'oeil en pagaille, sa mise en scène spectaculaire ou ses aires de combat recelant bien des dangers, le jeu restitue avec générosité la folie du manga et de ses adaptations animées. On regrette en revanche qu'il se montre beaucoup plus avare côté modes de jeu et qu'il se permette en plus de jouer la carte honteuse du
pay-to-play...